Avis 20230189 Séance du 16/02/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à sa demande de communication des documents, sous tous les supports et toutes les formes, relatifs à la note aux recteurs du 16 septembre 2022 : 1) tous les documents par lesquels les signalements de port d'abayas mentionnés dans la note ont été effectués ; 2) tous les documents signalant des pressions pouvant aller jusqu'au prosélytisme exercées par des élèves portant des abayas ou autres habits pouvant être considérés comme religieux ; 3) tous les documents justifiant l'affirmation « Le fait qu’il s’agisse de tenues traditionnelles portées lors de fêtes religieuses constitue un élément d’appréciation de la manifestation ostensible de convictions religieuses. » ; 4) tout signalement effectué dans l’application faits établissement concernant le port d’abayas ; 5) tous documents préparatoires ayant conduit à la décision de diffuser la note aux rectrices et recteurs ; 6) le cas échéant les retours réservés à celle-ci par lesdits rectrices et recteurs ou des organisations syndicales. En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a informé la commission que les documents mentionnés au point 6) n'existaient pas. La commission déclare dès lors sans objet la demande sur ce point. La commission estime, en deuxième lieu, que le point 3), qui vise tous les documents justifiant l'affirmation selon laquelle « Le fait qu’il s’agisse de tenues traditionnelles portées lors de fêtes religieuses constitue un élément d’appréciation de la manifestation ostensible de convictions religieuses », s'analyse comme une demande de renseignement. Elle se déclare, par suite, incompétente pour en connaître. En troisième lieu, la commission estime que le le point 5) est formulé de manière trop imprécise pour permettre à l'autorité saisie d'identifier les documents sollicités. Elle déclare donc la demande d'avis irrecevable sur ce point. En quatrième lieu, s'agissant du surplus, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a indiqué que les documents sollicités correspondent aux signalements d’atteinte à la laïcité remontés aux services compétents du ministère par le biais de l’application « faits établissements ». La commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. (...) ». Elle estime que, sur ce fondement, les documents tels que les signalements, dès lors que leur auteur est identifiable, que ce soit directement ou par déduction, ne sont pas communicables à des tiers. La commission rappelle également qu'aux termes de l’article L311-7 du même code « lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ». Elle précise que l'occultation peut consister à anonymiser un document, à condition que cette anonymisation soit suffisante pour prévenir tout risque d'identification des personnes intéressées. Au vu de ces éléments, la commission estime que les documents sollicités sont communicables au demandeur, sous réserve de leur parfaite anonymisation. Elle considère, en particulier, que les mentions du champ libre décrivant les faits dans l’application et permettant le plus souvent d’identifier les auteurs des faits ainsi que les victimes devront être occultés de manière systématique. Elle souligne qu'une vigilance particulière s’impose pour garantir l’anonymat parfait des personnes intéressées (auteurs des faits et victimes) par certains documents tels que les signalements. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à la demande. La commission rappelle enfin que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par sa décision du 14 novembre 2018, n° 420055, 422500, le Conseil d’Etat a jugé que revêt un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Par sa décision du 17 mars 2022, n° 449620, il a précisé que, pour apprécier le caractère excessif d’une telle charge, il convient de prendre en compte « l’intérêt qui s’attache à [la] communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public ». Par sa décision du 27 septembre 2022, n° 451627, il a en outre estimé qu’une charge disproportionnée pouvait provenir de l’ampleur d’occultations à effectuer au sein d’un même document. En l'espèce, à la lumière des principes qui viennent d'être exposés, eu égard, d'une part, à l'intérêt qui s'attache à la communication de ces documents pour le demandeur ainsi que pour l'information du public, d'autre part, aux moyens dont dispose le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, il n’est pas apparu à la commission que le traitement de la demande ferait peser sur l’autorité saisie une charge de travail disproportionnée. La commission souligne enfin, à toutes fins utiles, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services.