Conseil 20228171 Séance du 16/02/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 16 février 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à une salariée, d'un fichier informatique mentionnant les dates et heures d'envoi de ses courriels, lequel a été obtenu par les services de l’inspection du travail conformément aux dispositions de l'article L8113-5 du code du travail, et intervenant dans le cadre de leur enquête diligentée à la suite d'une plainte reçue en mars 2021 de la même salariée, sachant par ailleurs que celle-ci a formé un recours en contentieux devant le conseil des prudhommes pour le paiement d'heures supplémentaires à l'encontre de son ancien employeur. La commission vous rappelle, en premier lieu, les documents élaborés par l'administration à l'intention de l'autorité judiciaire ou d'une juridiction ne revêtent pas le caractère de documents administratifs mais celui de documents judiciaires ou juridictionnels, lesquels n'entrent pas dans le champ d'application du titre III du code des relations entre le public et l'administration et sur la communication desquels la commission n'est, par suite, pas compétente pour se prononcer. Pour les documents qui n’ont pas été élaborés dans ce cadre, la commission considère de manière constante que la seule circonstance qu’un contentieux soit en cours, que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne suffit pas à faire regarder la communication comme étant de nature à porter atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions, au sens du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication du document serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge, ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives. En l’espèce, la commission comprend des indications que vous lui avez données que le fichier informatique sur lequel vous l’interrogez n’a pas été établi à la demande ou à l’intention d’une juridiction. Il n’apparaît par ailleurs pas, en l’état des informations dont dispose la commission, que la communication de ce document serait de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure engagée par la salariée devant le conseil des prud’hommes. Par conséquent, la commission considère qu’un refus de communication ne pourrait pas être légalement opposé sur le fondement du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. En deuxième lieu, la commission considère que les documents et rapports d'enquête produits ou reçus par l'inspection du travail dans le cadre de sa mission de contrôle du respect de l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail constituent des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) à la condition, d'une part, que l'enquête soit achevée, d'autre part, que ces documents ne présentent plus un caractère préparatoire à une décision en cours d'élaboration, par exemple une décision portant sur la reconnaissance ou non d'accident du travail. Font toutefois obstacle à leur communication à des tiers les motifs énumérés à l'article L311-6 du CRPA, notamment les mentions couvertes par le secret de la vie privée ainsi que des mentions portant des appréciations ou des jugements de valeur sur des tiers nommément désignés ou facilement identifiables, ou faisant apparaître le comportement de personnes dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice, en application des 1° à 3° de l'article L311-6 de ce code. Ne figurent néanmoins pas au nombre des mentions couvertes par cette dernière exception celles qui, sans citer le nom de personnes physiques et sans qualifier ou caractériser, au regard du droit applicable, de manquements de la part de l'entreprise, sont susceptibles de décrire les circonstances et causes de l'accident. En l’espèce, la commission considère que le fichier informatique que vous avez reçu dans l’exercice de vos missions est un document administratif communicable à la salariée, qui a la qualité de personne intéressée dès lors que ce document recense les courriels qu’elle a envoyés ou reçus. La commission estime qu’il y a en revanche lieu d’occulter le nom et l’adresse des expéditeurs et destinataires de ces messages, au titre de la protection de la vie privée des tiers autre que la salariée concernée. La commission vous invite donc à procéder à la communication à la salariée de ce document, sous ces réserves.