Avis 20227759 Séance du 26/01/2023

Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 décembre 2022, à la suite du refus opposé par la préfète des Deux-Sèvres à sa demande de communication, de préférence par voie électronique par courriel ou par lien serveur, dans le cadre du projet de construction et d'exploitation de 16 réserves de substitution autorisé par l'arrêté préfectoral inter‐départemental signé le 22 mars 2022 par les préfets des Deux‐Sèvres, de la Charente‐Maritime et de la Vienne, des éléments suivants : 1) l’analyse de l'évolution des pratiques culturales dans l'intégralité du territoire couvert par le contrat territorial de gestion quantitative (CTGQ) Sèvre Niortaise ‐ Mignon en vigueur ; 2) le suivi régulier des différents assolements des parcelles cultivées dans les aires d'alimentation des captages prioritaires et les périmètres de protection de captages et de leur évolution ; 3) l’assolement exhaustif et actualisé des parcelles cultivées dans l'intégralité du territoire couvert par le CTGQ de la Sèvre Niortaise et du Mignon ; 4) pour chaque parcelle : a) les types de cultures mis en place, en 2020, 2021 et 2022 ; b) la quantité d'eau nécessaire si irrigation ; c) les intrants ; d) l'indice de fréquence de traitement ; e) l'indication si irrigation ou non ; f) si irrigation, la quantité d'eau utilisée actualisée, pendant toute la durée de l'observatoire, et l'origine de l'eau (forage, prélèvement en rivière, réserve de substitution) ; 5) l’évolution de la qualité de l'eau destinée à l'alimentation en eau potable, dans les captages identifiés par l'annexe n° 5 de l’arrêté du 20 juillet 2020 ainsi que les informations suivantes, notamment aux moments‐clés suivants avant le démarrage de la saison d'irrigation, pendant la saison d'irrigation et lors de la reprise d'écoulements et infiltrations d'eau significatifs, en période automnale de remplissage des réserves de substitution : a) turbidité de l'eau ; b) taux de nitrates ; c) bactériologie ; d) produits phytopharmaceutiques et sous produits de décomposition de ces derniers mesurés régulièrement ; 6) les engagements des exploitants irrigants pris dans le cadre du protocole d'accord pour une agriculture durable du 18 décembre 2018 : pratiques agricoles, réduction de l'usage des produits phytosanitaires, actions en faveur de la biodiversité et état d'avancement de ces engagements ; 7) les engagements collectifs, sous forme synthétique, de la profession agricole dans le bassin versant couvert par le CTGQ de la Sèvre Niortaise et du Mignon ; 8) l'analyse des données cartographiques et de la qualité de l'eau et les tendances de l'évolution de l'assolement (types de cultures et leur densité). 1. Principe de communication : Après avoir pris connaissance de la réponse de l’administration à la demande qui lui a été adressée, la commission rappelle, à titre liminaire, que l'entrée en vigueur du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD ») n'a pas entraîné de modification des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 du RGPD aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. » En premier lieu, la commission relève, ensuite, que les documents sollicités sont élaborés en vue de la répartition des volumes d’eau dont le prélèvement en vue de l’irrigation est soumis à autorisation préfectorale, en vertu des dispositions de la loi sur l’eau aujourd’hui codifiée au code de l’environnement et comprennent des informations relatives à l’environnement au sens de l’article L124-2 du code de l’environnement. Ces informations sont également soumises au droit de toute personne d'accéder à de telles informations, qui, selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. Par conséquent, la commission considère que ces informations sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la seule réserve des motifs légaux de refus de communication énumérés à l'article L124-4 du code de l'environnement ou, en ce qui concerne les émissions dans l’environnement, au II de l'article L124-5 de ce code. En deuxième lieu, la commission rappelle que le I de l’article L124-4 du code de l’environnement dispose que : « Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : / 1°) Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5 ; (…) 3° Aux intérêts de la personne physique ayant fourni, sans y être contrainte par une disposition législative ou réglementaire ou par un acte d'une autorité administrative ou juridictionnelle, l'information demandée sans consentir à sa divulgation (…). » En revanche, en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement » que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions font obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret des affaires ou révèlerait le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement lui porterait préjudice. S 'agissant de la notion d'« émissions dans l'environnement », la commission constate que, par deux arrêts C-673/13 et C-442/14 du 23 novembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que, pour l'application de la directive précitée, il y avait lieu d'interpréter ses dispositions à l'aune de sa finalité, qui est de garantir le droit d’accès aux informations concernant des facteurs, tels que les émissions, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement, notamment sur l’air, l’eau et le sol et de permettre au public de vérifier si les émissions, rejets ou déversements ont été correctement évalués et de raisonnablement comprendre la manière dont l’environnement risque d’être affecté par lesdites émissions. Cette notion vise ainsi les informations qui « ont trait à des émissions dans l’environnement », c’est-à-dire celles qui concernent ou qui sont relatives à de telles émissions, et non les informations présentant un lien, même direct, avec les émissions dans l’environnement. Par son arrêt C-442/14 du 23 novembre 2016, la même Cour a précisé que les indications concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu effectif ou prévisible, des émissions dans l'environnement ainsi que les données relatives aux incidences, à plus ou moins long terme, de ces émissions sur l'environnement, en particulier les informations relatives aux résidus présents dans l'environnement après l'application du produit en cause et les études portant sur le mesurage de la dérive de la substance lors de cette application, que ces données soient issues d'études réalisées en tout ou partie sur le terrain, d'études en laboratoire ou d'études de translocation, relèvent de cette même notion. 2. Application au cas d'espèce : En l'espèce, en premier lieu, la commission prend note des tensions autour de la gestion de la ressource en eau dans le bassin Sèvre Niortaise - Mignon, soulignées par la préfète des Deux-Sèvres. Elle estime toutefois, en l’état des informations dont elle dispose, que ce contexte ne suffit pas à laisser craindre que la communication de ces informations soit de nature à porter atteinte à la sécurité publique, au sens du 1° du II de l’article L124-5 du code de l’environnement. La commission relève, en deuxième lieu, que le règlement intérieur de l’OUGC, qui s’impose à tout préleveur irrigant disposant d’un ouvrage de prélèvement dans le périmètre de cet organisme, subordonne l’attribution à chaque exploitant d’un volume de référence à la souscription d’un engagement individuel et au respect de cet engagement. La commission estime par suite qu’un refus de communication de ces informations ne peut pas être légalement opposé sur le fondement du 3° du I de l’article L124-4 pour ce qui concerne les indications par les exploitants dans ce cadre, quand bien même ces derniers n’auraient pas consenti à leur divulgation. Elle considère que ces informations, qui ne portent par elles-mêmes atteinte à des secrets protégés par l’article L311-6, notamment pas au secret des affaires ou à la vie privée, sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande. Elle estime également, en l’état des informations dont elle dispose, que la communication de ces informations n’est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté des personnes. En troisième lieu, la commission estime en revanche que les éléments très précis sur les types de culture, l’assolement et les pratiques culturales, qui peuvent être qualifiées d’informations relatives à l’environnement au sens de l’article L124-2 du code de l’environnement, dès lors qu’elles concernent des activités susceptibles d’avoir des incidences notamment sur le sol, les terres, les paysages, entrent dans le champ du secret de la vie privée des exploitants ou du secret des affaires de l’exploitation. Elle constate que compte tenu du nombre limité d’exploitants concernés et du périmètre géographique restreint, la seule occultation de leurs noms ne suffirait pas à préserver les secrets protégés par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. La commission reconnaît l’intérêt particulier s’attachant à la communication de ces informations, dans un territoire situé en « zone de répartition des eaux », c’est-à-dire marqué par un déséquilibre quantitatif entre les ressources disponibles et les différents besoins. Elle souligne toutefois que cet intérêt lui paraît pouvoir être satisfait par la communication d’un document de synthèse, dont l’élaboration est d’ailleurs prévue par le protocole d’accord. En application de ces principes, la commission émet un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 1) à 3) et 8), sous réserve qu'il s'agisse d'informations agrégées ne permettant pas de dévoiler des informations sur les types de culture, l’assolement et les pratiques culturales protégés par le secret des affaires. En effet, il ne lui apparaît pas que la communication au public de ces informations présenterait, du point de vue de la préservation de l’environnement, un intérêt justifiant qu’elles soient communiquées en dépit du secret des affaires, sur le fondement du premier alinéa du I de l’article L124-4 du code de l’environnement. Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable sur ces points. S'agissant du point 4), la commission émet un avis favorable à la communication de ces informations, sur le fondement des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement, à l'exception des types de cultures mises en place en 2020, 2021, 2022, couvertes par le secret des affaires. La commission estime ensuite que les éléments mentionnés au point 5) de la demande constituent des informations relatives à l’environnement, librement communicables. Elle comprend toutefois de la réponse de la préfète des Deux-Sèvres que cette dernière ne détient pas les informations sollicitées. Elle rappelle qu'il lui appartient, en vertu de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration et du III de l'article R124-1 du code de l'environnement, de transmettre la demande, accompagnée du présente avis, aux organismes chargés d'une mission de service public susceptibles de les détenir, en l’occurrence les syndicats d'eau compétents. La commission considère, par ailleurs que les engagements individuels mentionnés au point 6) de la demande sont communicables au demandeur dans les conditions posées par son avis n° 20227726, inscrit à la même séance, aux termes duquel elle ne peut que renvoyer. Enfin, la commission estime que les engagements collectifs mentionnés au point 7) sont librement communicables en application des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement. Elle comprend en effet qu'il s'agit de données synthétiques agrégées.