Avis 20227598 Séance du 26/01/2023
Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 décembre 2022, à la suite du refus opposé par la rectrice de l'académie de La Réunion à sa demande de communication du compte rendu de la médiation du 10 décembre 2018 effectuée au collège du 14km du Tampon par le médiateur académique, Monsieur X, initiée le 12 novembre 2018 par une saisine de sa cliente.
En l'absence de réponse de la rectrice de l'académie de La Réunion à la date de sa séance, la Commission rappelle, en premier lieu, que la médiation est un processus structuré par lequel les parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leur litige, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord. Ce mode alternatif de règlement des différends est régi, s’agissant des litiges relevant de la compétence de la juridiction administrative, par le chapitre III du titre Ier du livre II du code de justice administrative pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.
La Commission relève, d’une part, que la médiation a pour effet d’interrompre les délais contentieux et les prescriptions (article L213-6 code de justice administrative) et, d’autre part, qu’une mission de médiation peut être organisée, en dehors de toute procédure juridictionnelle, soit à la demande des parties, qui peuvent demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel territorialement compétent d'organiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées d'une mission de médiation qu'elles ont elles-mêmes organisée (article L213-5 du même code), soit à la demande d’une juridiction, lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, avec l’accord des parties (article L213-7 code de justice administrative).
Elle souligne, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. »
Ne revêtent toutefois pas un caractère administratif, relevant du droit d’accès aux documents administratifs régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, les documents juridictionnels, c’est-à-dire les documents émanant des juridictions en lien avec la fonction de juger (CE, 27 juillet 1984, n° 30590, Association SOS Défense c/Cour de cassation, p. 284 ; CE, 26 janvier 1990, X, n° 104236 : Lebon T. 780) ainsi que ceux qui, établis par les autorités administratives, ne sont pas détachables d’une procédure juridictionnelle, (CE, 2 octobre 1994, X, n° 123584, T. p. 951 ; CE, 31 mars 2017, Garde des Sceaux, ministre de la Justice c/ M. X, n° 408348).
Elle considère, en l’espèce, que le dossier de médiation, qui a pour objet de prévenir ou d’éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, est détachable de la fonction de juger et donc de la phase juridictionnelle qu’elle tend à éviter. Il constitue donc un document administratif relevant du droit d’accès aux documents administratifs ( à rapprocher de l’avis n° 20202442 du 8 octobre 2020 pour une médiation administrative ; de l'avis n° 20212746 du 23 septembre 2021 pour l'arbitrage).
Elle relève toutefois que l’article L213-2 du code de justice administrative, prévoit que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties. »
Elle estime que la confidentialité imposée par le législateur, qui constitue un principe directeur des processus de médiation indispensable pour garantir la transparence et la confiance des personnes y ayant recours et, par suite, l’effectivité de ce mode alternatif de règlement des différends, doit être regardée comme un secret protégé par la loi au sens du h) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle en déduit que le dossier de médiation, document administratif, n’est pas communicable à un tiers sur le fondement des dispositions du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration.
En l'espèce, la Commission comprend que la médiation a été réalisée par le médiateur du rectorat de La Réunion à la demande de Madame X. Elle en déduit que cette dernière n'a pas la qualité de tiers et que le compte rendu de la réunion de médiation lui est donc communicable en tant qu'il la concerne.
La Commission rappelle enfin les documents administratifs comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale.
La Commission considère que la communication d’une dénonciation ou d'un témoignage peut être regardée, compte tenu de ses termes et du contexte dans lequel s'inscrit ce document, comme étant de nature à faire apparaître le comportement de son auteur. Elle estime donc qu'en fonction des circonstances propres à chaque espèce, la divulgation du document à autrui, notamment à la personne visée, pourrait s'avérer préjudiciable à son auteur et que, par suite, ce document n’est communicable qu’à l’intéressé, c’est-à-dire à la personne qui a témoigné et non pas à la personne dont le comportement est décrit. La Commission souligne qu'il convient, pour apprécier le caractère communicable du document, de tenir compte du contexte de la demande, des tensions susceptibles d'exister au sein d'un service de l'administration ou entre des administrés, du risque de représailles ou de dégradation des relations. À défaut de pouvoir rendre impossible l'identification de leur auteur, l'intégralité de ses propos doit être occultée. Lorsqu'une telle occultation conduirait à priver de son sens le document sollicité, sa communication doit être refusée.
En l’espèce, la Commission relève que Madame X indique avoir quitté l'établissement où elle était en poste en 2018. Dans ces conditions et alors qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du compte rendu de la réunion de médiation sollicité, la Commission émet un avis favorable à la communication de ce document à Madame X, sous réserve de l'occultation des mentions émanant de tiers qui s'avérerait nécessaire en application des principes qui viennent d'être rappelés.