Avis 20227507 Séance du 26/01/2023

Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 décembre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à sa demande de communication, de préférence par courriel, au format PDF, des documents suivants, relatifs aux contrôles de la filière bois : 1) les rapports nationaux annuels sur l’implémentation et la mise en vigueur de la réglementation bois de l’Union Européenne (RBUE) pour la période 2012-2022 ; 2) tous les rapports d’inspection et d’audit réalisés sur les acteurs du marché du bois, sur la période 2012-2022, incluant les acteurs domestiques, les importateurs, les commerçants, et les autorités de surveillance ; 3) tous les documents incluant les rapports du conseil d’administration, les conversations, par courriel, courrier ou SMS, portant sur les sanctions administratives, financières ou criminelles prises à l’encontre de l’ensemble des participants du marché du bois en France, incluant les acteurs domestiques, les importateurs, les commerçants, et les autorités de surveillance ; 4) toutes les décisions de mise en conformité prises entre 2012 et 2022 indiquant le nom des sociétés concernées, celui de leur responsable ainsi que le montant des sommes concernées lorsqu’il y a des pénalités financières ; 5) tous les rapports annuels sur l’implémentation et la mise en œuvre de la réglementation européenne FLEGT en matière d'importation de bois indonésien pour la période 2012-2022 ; 6) tous les rapports et listes de contrôles sur les licences et livraisons FLEGT de 2012 à 2022, incluant le nom des entreprises concernées et de leurs représentants. Après avoir pris connaissance de la réponse du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, la commission rappelle qu’un rapport réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable d'un service public revêt le caractère d'un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 de ce code sous réserve, d’une part, qu’il soit achevé et, d’autre part, qu'il ne présente pas un caractère préparatoire à une décision en cours d'élaboration. Sur ce point, elle précise qu’un tel rapport ne peut revêtir un caractère préparatoire au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration que lorsqu'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre. Dans un tel cas, le caractère préparatoire d’un rapport s’oppose en principe à la communication immédiate de l’ensemble de son contenu, à moins, toutefois, que les éléments de ce rapport préparant une décision ultérieure ne soient divisibles de ses autres développements. La commission indique, en outre, que cette communication ne peut toutefois intervenir que sous les réserves notamment prévues par les articles L311-5 et L311-6 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article L311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent ainsi être disjoints ou occultés, notamment, les mentions dont la communication porterait atteinte au secret des affaires, lequel comprend notamment le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles ou dont la communication ferait apparaître le comportement de l’établissement dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Elle rappelle à cet égard que si l'ampleur des occultations d'un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 rend cette opération délicate, notamment lorsque le document n'est pas divisible, et qu'elle conduit à en dénaturer le sens ou à priver d'intérêt la communication, l'administration est alors fondée à la refuser (CE, n° 117750, 4 janvier 1995). Ainsi, un document comportant un très grand nombre de mentions couvertes par un secret et dont l'occultation s'avérerait particulièrement difficile pour l'administration devrait être regardé comme non communicable. Elle précise enfin que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Madame X). En premier lieu, la commission observe que les rapports sur la mise en œuvre de la réglementation mentionnés aux points 1) et 5) sont communicables à toute personne qui les demande, une fois achevés, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que ces documents soient des documents de travail remis à la Commission européenne qui en tire une synthèse rendue publique. Elle émet donc un avis favorable sur ces points de la demande. En deuxième lieu, la commission considère que les documents sollicités au point 2) sont également communicables, sous réserve de l’occultation des mentions protégées par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. La commission, qui n’a pas pu prendre connaissance de ces rapports d’inspection et d’audit, ne dispose pas d’élément permettant d’apprécier l’ampleur des occultations qui seraient, le cas échéant, nécessaires au titre du 1° ou du 3) de l’article L311-6. Elle émet par suite un avis favorable à la communication de ces documents, sous les réserves précédemment rappelées. Si le ministre indique ne pas détenir l’ensemble des rapports sollicités, la commission précise qu'en application du sixième alinéa de l'article L311-2 du même code, il lui appartient de transmettre la demande accompagnée du présent avis à l'autorité administrative susceptible de le détenir, en l’espèce le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et d'en aviser le demandeur. En troisième lieu, pour ce qui concerne les documents sollicités aux points 3) et 4), le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a informé la commission que les rapports de ses services lors des contrôles ne mentionnent que la conformité ou la non-conformité, assortie le cas échéant d’une proposition de sanction, et que seul le préfet de région est compétent pour prendre un arrêté de sanction. La commission estime toutefois que les documents sollicités, s’ils existent et ne revêtent pas un caractère préparatoire à une décision, sont communicables sous les réserves précitées et qu’il appartient au ministre, conformément au sixième alinéa de l'article L311-2 du même code, de transmettre la demande accompagnée du présent avis à l'autorité administrative susceptible de le détenir, en l’espèce les préfets, et d'en aviser le demandeur. Pour ce qui concerne, en dernier lieu, les documents sollicités au point 6), le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a, d’une part, informé la commission que le contrôle des licences FLEGT est un contrôle de cohérence visuelle réalisé au fil de l'eau entre la déclaration de l'opérateur, sur un logiciel européen dédié, et une licence papier fournie par les autorités indonésiennes. Il ajoute qu’aucun élément de cette vérification n'est écrit et que le contrôle ne donne lieu qu'à une validation, un refus ou éventuellement une demande de correction, cette décision étant réalisée directement sur le logiciel. La commission comprend que la demande est sans objet dans cette mesure. Le ministre a, d’autre part, précisé que les contrôles de livraison, lors de la mise en libre pratique, relèvent de la compétence des services des douanes. La commission considère que les rapports de ces contrôles, s’ils existent et ne revêtent pas un caractère préparatoire à une décision, sont également communicables sous les réserves précitées. Il appartient au ministre de transmettre la demande accompagnée du présent avis à l'autorité administrative susceptible de le détenir, en l’espèce le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et d'en aviser le demandeur.