Avis 20227428 Séance du 12/01/2023

Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 décembre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général du Centre hospitalier de Bégard - Fondation Bon Sauveur à sa demande de communication, sur le fondement des trois motifs prévus à l'article L1110-4 du code de la santé publique, d'une copie complète du dossier médical de sa défunte sœur Madame X décédée le X au sein l'établissement. La commission, qui a pris connaissance de la réponse apportée par le directeur général du Centre hospitalier de Bégard - Fondation Bon Sauveur, rappelle d'abord qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. La commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. Doivent, à cet égard, être regardés comme des ayants droit au sens de ces dispositions, les successeurs légaux et testamentaires du défunt. En ce qui concerne la notion d'ayant droit, la commission considère que sont ainsi visés, en premier lieu, les successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. La commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit qu'en l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants. L’article 744 du code civil précise qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose : « En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». La commission considère que doivent être regardés en second lieu comme des ayants droit au sens et pour l'application de l'article L1110-4 du code de la santé publique, les successeurs testamentaires du défunt. La commission rappelle que cette qualité d’ayant droit, qu’il appartient à l’administration de vérifier, peut être établie par tout moyen, par exemple par un acte de notoriété ou par un certificat d'hérédité. La commission précise ensuite que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur. A cette fin, la commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant. La commission note que les objectifs de la demande de Madame X sont, conformément aux dispositions de l’article L1110-4 du code de la santé publique, de connaître les causes du décès de sa sœur, de défendre sa mémoire ou de faire valoir ses droits. Toutefois, la commission relève que, malgré les courriers des 13 mai et 12 décembre 2022 du directeur général du Centre hospitalier de Bégard - Fondation Bon Sauveur, Madame X ne justifie pas à ce stade, ni de sa qualité d’ayant droit, ni même ne précise les circonstances qui l’amènent à défendre la mémoire de la défunte ou la nature des droits qu’elle souhaite faire valoir. Dans ces conditions, la demanderesse n’étant pas fondée à solliciter la communication du dossier médical de sa sœur, la commission émet, en l’état, un avis défavorable à la demande. Toutefois, elle invite Madame X à adresser, si elle le souhaite, une nouvelle demande auprès du Centre hospitalier de Bégard - Fondation Bon Sauveur afin de justifier auprès de ses services de sa qualité d’ayant droit (par tout moyen : par exemple, par un acte de notoriété, un certificat d'hérédité ou une attestation de porte-fort) et des circonstances qui la conduisent à former une telle demande au regard des motifs précités.