Avis 20227374 Séance du 12/01/2023
Monsieur X, pour le média spécialisé « Acteurs Publics », a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication, dans un format numérique, ouvert et réutilisable, par indication de l'adresse de téléchargement ou par envoi en pièce jointe, du bilan de l'expérimentation de l'algorithme « DataJust » prévue par le décret n° 2020‐356 du 27 mars 2020, pour une durée de deux ans.
La Commission relève que le décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 a prévu qu'à titre expérimental, pour une durée de deux ans, le garde des sceaux, ministre de la justice, a été autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « DataJust », ayant pour finalité le développement d'un algorithme devant servir la réalisation d'évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative, l'élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels ainsi que l'information des parties et l'aide à l'évaluation du montant de l'indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges et l'information ou la documentation des juges appelés à statuer sur des demandes d'indemnisation des préjudices corporels. A ces fins, l'algorithme recense les montants demandés et offerts par les parties, les évaluations proposées dans le cadre de procédures de règlement amiable des litiges et les montants alloués aux victimes pour chaque type de préjudice dont la teneur est détaillée au 3° de l'article 2 du décret, ainsi que les données et informations mentionnées à cet article.
Elle observe également que, dans sa délibération n° 2020‐002 du 9 janvier 2020 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’État portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust », la Commission nationale de l'informatique et des libertés a demandé que, dans la mesure où, à terme, le ministère entendait instituer de manière pérenne un tel dispositif, un bilan lui soit transmis, comportant les informations suivantes : des éléments d’appréciation portant sur la présence d’éventuels biais de l’algorithme identifiés et les correctifs envisagés et/ou appliqués en conséquence ; la liste précise des catégories de données et informations identifiées comme nécessaires au regard des finalités du traitement DataJust ainsi que la nature des données auxquelles chaque catégorie de destinataires pourra accéder ; la description des processus de pseudonymisation supplémentaires qui seront appliqués.
La Commission considère que les documents élaborés dans ce cadre, notamment un éventuel bilan de l'expérimentation menée par le ministère de la justice, constituent en principe des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions dont la communication serait susceptible de porter atteinte à l’un des secrets mentionnés aux articles L311-5 et L311-6 du même code, à condition qu’ils soient achevés.
Elle rappelle toutefois qu’en application du deuxième alinéa de l'article L311-2 du même code, un document préparatoire est exclu du droit d’accès aussi longtemps que la décision administrative qu’il prépare n’est pas intervenue ou que l’administration n’y a pas manifestement renoncé, à l’expiration d’un délai raisonnable. Elle précise que revêtent un caractère préparatoire l’ensemble des documents qui concourent à l’élaboration d’une décision administrative déterminée et sont inséparables de ce processus.
En l'espèce, la Commission relève qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a indiqué que le bilan de l'expérimentation sollicité n'était, à ce jour, pas finalisé. Ce document revêtant à ce stade un caractère inachevé, la Commission émet donc un avis défavorable à sa communication, en application du premier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration.
Elle précise, toutefois, qu'une fois achevé et dans l'hypothèse où le document sollicité était élaboré afin d'évaluer l'expérimentation en vue de son éventuelle prolongation, il s'inscrirait alors dans un processus décisionnel identifié et ne perdrait par suite son caractère préparatoire qu'après l'intervention de la décision finale de l'administration relative au développement de son algorithme « DataJust ». Elle précise néanmoins que les dispositions du deuxième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration ne font pas obstacle à ce que l'administration assure, à tout moment, une diffusion publique de ce document au nom de la transparence de l’action administrative, sous réserve le cas échéant des mentions protégées par les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
Si, en revanche, comme le soutient le demandeur, l’administration avait d'ores et déjà définitivement renoncé à ce projet, le bilan de l'expérimentation sera immédiatement communicable dès son achèvement, sous les réserves précédemment rappelées.