Avis 20227216 Séance du 12/01/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Eure-et-Loir à sa demande de communication de la copie, en langage clair, de l’intégralité des données (y compris celles figurant dans les zones « blocs-notes » ou « commentaires ») relatives à son fils mineur X, dont il partage l'autorité parentale avec son ex conjointe, notamment l'indication de son lieu de résidence ainsi que l'origine de la provenance desdites données. La commission comprend que le demandeur souhaite obtenir l’intégralité des informations concernant son enfant, détenues par la caisse d'allocations familiales de l'Eure-et-Loir et, en particulier, son adresse de résidence actuelle. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Eure-et-Loir a indiqué à la commission que l'ex conjointe de Monsieur X et leur enfant commun ne dépendent plus de son organisme et que le dossier les concernant est radié depuis plusieurs mois. La commission en prend note mais relève que les informations sollicitées constituent un document administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, dès lors qu’elles sont en possession de l’administration et qu’elles peuvent être obtenues par extraction d'une base de données existante sans faire peser sur l'administration une charge de travail déraisonnable (CE, 432832, 13 novembre 2020, M. X). Elle rappelle, en outre, qu'en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, une autorité administrative saisie d’une demande de communication de documents qu’elle ne détient pas est tenue de transmettre cette demande à l’autorité susceptible de les détenir. Dès lors, sous réserve que les informations sollicitées n’aient pas été détruites, la commission estime que la présente demande n’est pas dépourvue d’objet et qu’il incombe à l’autorité saisie, le cas échéant, de transmettre la demande, assortie du présent avis, à l’autorité susceptible de l’instruire et d’en aviser le demandeur. La commission relève que le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Eure-et-Loir s’oppose, en tout état de cause, à la communication de toute information à Monsieur X, eu égard à la décision de justice du 30 juin 2022, rendue par le tribunal de Nanterre et notifiée au demandeur le 18 juillet 2022 par courrier recommandé avec accusé réception, et de l’obligation de secret professionnel des employés des organismes de sécurité sociale prévue par l'article L583-3 du code de la sécurité sociale. La commission rappelle que l'article 372 du code civil dispose que le père et la mère exercent en commun l'autorité parentale, sous réserve que la filiation de l'enfant ait été établie avant la première année de l'enfant. Aux termes du dernier alinéa de l'article 373-2-1 du code civil, « le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier ». La commission en déduit que le père ou la mère qui, en cas de séparation, n’exerce pas l’autorité parentale, sans pour autant qu’elle lui ait été retirée, conserve la qualité de personne intéressée, au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, par les documents relatifs à l’éducation et à la scolarité de son enfant mineur, qui lui sont donc communicables, sous réserve, le cas échéant, de l’occultation des mentions dont la communication porterait atteinte au respect de la vie privée de l’autre parent, y compris l’adresse de ce dernier, mais seulement lorsqu’elle est différente de celle de l’enfant. Il en va de même, a fortiori, lorsqu'en cas de séparation, les deux parents continuent à exercer conjointement l'autorité parentale. Ce n'est que dans le cas où l'autorité parentale lui a été retirée par décision de justice, ainsi que le prévoient les articles 378 à 381 du code civil, totalement ou, si le retrait n'est que partiel, en ce qui concerne l'éducation ou la santé de l'enfant, que le dossier de l'enfant n'est plus communicable au parent concerné, qui, alors seulement, a perdu en totalité ou en partie la qualité de titulaire de l'autorité parentale. De même, dans le cas où l'autorité parentale n'est pas retirée au père ou à la mère mais que son exercice est délégué à un tiers par décision du juge au affaires familiales conformément aux articles 377 à 377-3 du code civil, le parent concerné conserve la qualité de personne intéressée par le dossier de l'enfant mineur, à moins que le jugement de délégation n'en dispose autrement. En l'espèce, la commission constate que, par jugement du 30 juin 2022 du tribunal judiciaire de Nanterre, l'exercice exclusif de l'autorité parentale a été confiée à la mère de l'enfant et que Monsieur X conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. Monsieur X, qui demeure donc titulaire de l'autorité parentale, conserve ainsi la qualité de personne intéressée à l'égard de l'éducation de son enfant mineur. Par suite, la commission émet un avis favorable à la demande, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation préalable des informations dont la communication porterait atteinte au respect de la vie privée de tiers. La commission estime que si Monsieur X revêt, en principe, la qualité de personne intéressée au sens et pour l'application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration en ce qui concerne les documents administratifs se rapportant à son enfant mineur sur lequel il conserve l'autorité parentale en application des dispositions précitées, ce droit d'accès doit être concilié avec la protection de la vie privée dont bénéficie la mère de son enfant au titre du 1° de l'article L311-6 de ce code. La commission précise, à ce titre, comme elle l’a fait dans son avis de partie II, n° 20185710, du 17 mai 2019 qu'à l'exception de l'allocation journalière de présence parentale, qui révèle une affection dont souffre l'enfant mineur davantage que la vie privée de la mère qui la perçoit, les dossiers administratifs relatifs aux prestations familiales accordées à raison d'enfants mineurs ne sont communicables, en cas de divorce, de séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de la vie commune des concubins, qu'à la personne ayant la charge effective et permanente de l'enfant ou dont la qualité d'allocataire a été reconnue pour la prestation en cause. En application de ces principes, la commission estime que le détenteur de l’autorité parentale dispose de la qualité de personne intéressée par les informations générales relatives à la protection de la santé de son enfant, à son éducation et à son entretien. A ce titre, l’indication de l’adresse de la mère de l’enfant est en principe communicable à son père, dès lors que celui-ci est titulaire de l'autorité parentale et qu'elle constitue le lieu de résidence de l'enfant (avis n° 20135318, du 30 janvier 2014). La commission précise, toutefois, qu’il en va différemment s’il apparaît que l’administration requise peut légitimement craindre que la divulgation de cette information pourrait conduire à des représailles ciblées sur la personne intéressée et ce faisant, conduire à porter à la sécurité des personnes, prévue par les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. La commission estime, en l’état des informations portées à sa connaissance, que le risque d'atteinte à la sécurité des personne présente en l’espèce un degré suffisant de vraisemblance pour être tenu pour établi. Elle émet, dès lors, un avis défavorable à la communication à Monsieur X, de l'adresse actuelle de son enfant. En outre, les éléments concernant les prestations familiales versées à raison de son enfant mineur, qui relèvent de la vie privée de la mère de son enfant qui les perçoit, ne lui sont pas communicables. Elle émet donc un avis défavorable dans cette mesure.