Avis 20227153 Séance du 12/01/2023

Maître X, conseil de la SCI X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le président d’Artois Mobilités à sa demande de communication d’une copie des documents suivants : 1) tout marché public souscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’arrêté n° 2020‐827 du maire d’Hénin‐Beaumont, comprenant toute pièce composant ce marché et permettant d’établir l’étendue des démolitions projetées ; 2) toute pièce, tout compte rendu de chantier permettant d’établir l’étendue des démolitions réalisées dans le cadre de la mise en œuvre de l’arrêté n° 2020‐827 du maire d’Hénin‐Beaumont ; 3) toute pièce en possession du président d'Artois Mobilités permettant d’établir les limites entre les parcelles cadastrées X, propriété de la SCI X, et de la parcelle cadastrée X, propriété d’Artois Mobilités ; 4) toute pièce en possession du président d'Artois Mobilités permettant de déterminer la propriété du mur séparant les parcelles X et X ; 5) l’acte de propriété de la parcelle cadastrée X, voire de tout plan permettant d’établir les limites de la propriété d’Artois Mobilités ; 6) tout courrier, que le président d'Artois Mobilités aurait adressé préalablement à la mise en œuvre de ces travaux, aux propriétaires voisins. Au préalable, la commission relève qu’Artois Mobilités est, depuis avril 2022, le nouveau nom du syndicat mixte des transports Artois-Gohelle, « Autorité Organisatrice de Mobilité » (AOM) des communautés d’agglomération de Lens-Liévin, Hénin-Carvin, et Béthune-Bruay. La commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé En outre, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres. Elle émet donc sous ces réserves un avis favorable au point 1) de la demande. En deuxième lieu, la commission considère que les documents mentionnés au point 2), qui se rapportent à l'exécution du marché public, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous la même réserve tenant au secret des affaires. Elle émet donc un avis favorable, sous cette réserve, sur ce point de la demande. En troisième lieu, la commission, qui comprend que tel est en réalité l'objet des points 3) à 5) de la demande, rappelle que les données cadastrales relatives à une commune figurent, d'une part, sur le plan cadastral, document graphique souvent décomposé en feuilles et pages sur lequel sont reportés les numéros et limites des parcelles sans aucune indication nominative, d'autre part, sur les matrices cadastrales, document littéral qui regroupe l'ensemble des relevés de propriété à savoir, pour chaque propriétaire, son adresse, la date et lieu de naissance, le cas échéant le nom de son conjoint, la liste des parcelles situées sur le territoire de la commune lui appartenant, identifiées par leur numéro et leur adresse, le cas échéant la description du bâti par unité d'évaluation, ainsi que les principaux éléments ayant concouru à l'établissement de la taxe foncière et les éventuelles causes d'exonération de cette taxe. La commission considère que toute personne, qu'elle soit ou non propriétaire d'une parcelle sur le territoire de la commune, tire de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration le droit d'obtenir communication, sous l'une des formes matériellement possibles, de tout ou partie des plans cadastraux. S'agissant plus précisément des matrices cadastrales et des relevés de propriété, l’accès des tiers aux matrices cadastrales est désormais régi par les dispositions de l’article L107 A du livre des procédures fiscales. Il en résulte que sont seuls communicables aux tiers les informations énumérées à cet article, à savoir les références cadastrales, l'adresse ou, le cas échéant, les autres éléments d'identification cadastrale des immeubles, la contenance cadastrale de la parcelle, la valeur locative cadastrale des immeubles, ainsi que les noms et adresses des titulaires de droits sur ces immeubles. En revanche, la date et le lieu de naissance du propriétaire, ainsi que, le cas échéant, les motifs d’exonération fiscale, doivent être occultés avant la communication. La commission note également que la communication des extraits de relevés cadastraux ne saurait être, eu égard à ces dispositions, que « ponctuelle ». La commission émet en conséquence un avis favorable, sous ces réserves, à la communication des documents visés aux points 3), 4) et 5) de la demande. Enfin, la commission considère, en dernier lieu, que les documents sollicités au point 6), s’ils existent, constituent des documents administratifs communicables à tout personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions relevant du secret de la vie privée. Elle émet, dès lors, sous cette réserve, un avis favorable au point 6) de la demande. Enfin, la commission prend note de l'intention du président d'Artois Mobilités de transmettre les documents au demandeur et qu'un délai supplémentaire lui est nécessaire pour les rassembler compte tenu de leur ancienneté et de leur volume. A cet égard, la commission rappelle que si, hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, en revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Elle peut notamment convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement de ses services.