Conseil 20227138 Séance du 15/12/2022

La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 15 décembre 2022, votre demande de conseil relative au : 1) caractère communicable, aux demandeurs, à leurs ayants droits, ou à des personnes tierces, y compris des administrations, des dossiers constitués dans le cadre de l'examen des demandes de droits et fondant les décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ; 2) quel est le délai de conservation des documents administratifs et en particulier de ceux détenus par le MDPH ? 1. Demande présentée sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration ou du code de la santé publique La commission indique, tout d’abord, que les documents produits ou reçus par une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), groupement d'intérêt public dont le département assure la tutelle administrative et financière aux termes de l'article L146-4 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que des personnels et des moyens matériels du département affectés à la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, sont des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle précise qu’au sein de la MDPH, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) prévue à l’article L146-9 du code de l’action sociale et des familles, se prononce sur les droits des personnes handicapées et, notamment, sur les établissements et services s’engageant à les accompagner, ainsi que les allocations, compléments de ressources et prestations susceptibles de leur être versés. Elle relève, à cet égard, que les travaux de la CDAPH reposent sur les évaluations menées par une équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L146-8 du même code. 1.1. Accès au dossier administratif : 1.1.1. Demande présentée par l'usager La commission rappelle que le dossier d'un usager est communicable à la personne à laquelle il se rapporte, principale intéressée, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Cette communication ne peut toutefois intervenir qu'après occultation, sur le fondement de cette même disposition, des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers ainsi que le cas échéant au secret médical, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ou qui feraient apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. 1.1.2. Demande présentée par un ayant droit Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon, que la personne intéressée, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. La qualité de personne intéressée, appréciée de manière restrictive, a été reconnue aux ayants droit sollicitant la communication d'un document utile à la défense de leurs droits patrimoniaux en qualité d'héritier ou des droits à pension en tant que conjoint (avis n° 20164455, du 17 décembre 2016; avis n° 20183964, du 20 décembre 2018), ainsi qu'à ceux s'inscrivant dans une démarche tendant à la réparation d’un dommage subi par une personne décédée, à l’égard des documents nécessaires à l’établissement de ce préjudice et à l'engagement de la responsabilité de son auteur, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (avis n° 20212776, du 6 mai 2021). En revanche, soucieux de préserver la mémoire du défunt, le Conseil d'État a refusé la communication à une personne des pièces du dossier constitué lors de l'examen de la demande de son père décédé tendant à obtenir l'honorariat et dont la divulgation pourrait nuire à sa mémoire (CE, sect., 29 juill. 1994, Chambre des notaires du Dpt du Cher, n° 105023 ). En application de ces principes, la commission estime que le dossier administratif d'un usager est communicable à ses ayants droits, à condition qu’ils se prévalent en le justifiant, à raison des documents dont ils demandent la communication, de droits propres hérités du défunt ou de droits propres nés d’un préjudice qu’ils subissent directement. 1.2. Accès au dossier médical : 1.2.1. Demande présentée par l'usager : La commission précise que l'article L1111-7 du code de la santé publique dispose que sont communicables à l'intéressé tous les documents composant son dossier médical, c'est-à-dire les documents concernant la santé d'une personne détenus par des professionnels et établissements de santé « qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d' examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ». En vertu du même article et du dernier alinéa de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ces informations sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet. 1.2.2. Demande présentée par un ayant droit : La commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. En ce qui concerne la qualité d'ayant droit : La commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. La commission considère que les personnes bénéficiant de la qualité d’ayants droit du défunt au sens de ces dispositions sont les mêmes que celles qui présentent la qualité d’héritier ayant, par application des règles générales du code civil en matière de successions et de libéralités, une vocation universelle ou à titre universel à la succession du patient décédé. Il s’agit, dès lors, en premier lieu, des successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. A cet égard, la commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ». L’article 744 précise qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose : « En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». En application de ces règles, la commission estime que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt ou leurs descendants, ou, en l’absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d’ayant droit pour l’application de l’article L1110-4 du code de la santé publique. La présence du conjoint successible prive en revanche de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers. Il s’agit également, en second lieu, des légataires universels ou à titre universel du patient décédé, désignés par testament. En effet, l’existence d’héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d’héritiers testamentaires, de même que l’institution de ces derniers n’exclut pas par principe les héritiers légaux de la succession. En outre, dès lors que les articles 913 et 913-1 du code civil confèrent à l’enfant du défunt ou, s’il est décédé avant celui-ci, à ses propres descendants, la qualité d’héritiers réservataires, l’enfant ou, en cas de prédécès de ce dernier, ses descendants, ont toujours la qualité d’ayant droit du patient décédé pour l’application de l’article L1110-4 du code de la santé publique, quelles que soient les dispositions successorales prises par ailleurs par le défunt. Pour les successions ouvertes conformément à l’état actuel des règles du code civil, c’est le conjoint survivant non divorcé qui, à défaut de descendants du défunt, bénéficie de la qualité d’héritier réservataire, en vertu de l’article 914-1 du code civil. Par conséquent, le conjoint survivant non divorcé présente lui aussi toujours la qualité d’ayant droit, sauf s’il en a été privé par testament (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2008, n° 07-13438 bull. 2008, I, n° 186), ce que la loi ne permet qu’en présence de descendants du défunt. La commission estime qu’en revanche, les bénéficiaires d’une assurance sur la vie ou d’une d’assurance-décès qui ne seraient pas par ailleurs héritiers légaux ou testamentaires, universels ou à titre universel, du patient décédé ne présentent pas la qualité d’ayant droit au sens de l’article L1110-4 du code de la santé publique. En effet, leur désignation par les contrats souscrits par le défunt leur donne seulement une créance sur l’établissement avec lequel celui-ci a contracté, sans leur ouvrir aucun droit à sa succession. Ces personnes ne sont donc pas au nombre de celles en faveur desquelles le législateur a levé le secret médical. La commission vous rappelle en outre que l’article 730 du code civil dispose que la qualité d’héritier s’établit par tous moyens. Par suite, elle estime que la qualité d’ayant droit peut elle-même s’établir par tous moyens pour l’application de l’article L1110-4 du code civil. S’agissant des enfants du patient décédé, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ont toujours cette qualité, la production d’une copie d’acte de naissance ou du livret de famille est suffisante. En ce qui concerne les autres ayants droit, il revient à l’autorité qui détient le dossier du patient d’apprécier la nécessité de pièces complémentaires. Dans les situations les plus complexes ou les plus incertaines, un acte de notoriété établi par notaire conformément aux articles 730-1 à 730-5 du code civil lui permettra de s’assurer de la qualité du demandeur. En ce qui concerne les conditions d'accès : La commission observe que les dispositions précitées n'instaurent au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. Elle rappelle qu’il appartient à l’équipe médicale ayant assuré la prise en charge du patient de sélectionner les documents susceptibles de répondre aux objectifs poursuivis par le demandeur. Cet accès, strictement encadré, suppose en outre, d'une part, que le défunt ne s'y soit pas opposé de son vivant et, d'autre part, que la demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4, à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis. La commission souligne, en outre, que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant. 2. Demande présentée sur le fondement du code du patrimoine : La commission rappelle qu’en application de l’article L211-4 du code du patrimoine, les documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées d’une mission de service public dans le cadre de cette mission, ont le caractère d’archives publiques. Ces documents deviennent donc communicables à toute personne qui le demande à l'expiration des délais fixés à l'article L213-2 du même code. Ces délais sont fixés à cinquante ans à compter de la clôture du dossier pour ce qui relève des mentions portant atteinte à la vie privée et à cent vingt ans à compter de la naissance de la personne concernée pour ce qui concerne les éventuels éléments couverts par le secret médical. Ce second délai peut être ramenés à vingt-cinq ans après le décès de la personne concernée. La commission souligne qu’une autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Une demande d'accès dérogatoire présentée sur le fondement de ces dispositions permet donc, sous certaines conditions, d'accéder à des documents couverts par un secret et qui ne sont pas encore librement communicables. Enfin, la commission relève que la question des délais de conservation des documents administratifs ne relève pas de ses attributions définies par le chapitre II du titre IV du livre III du CRPA. Elle se déclare, par suite, incompétente pour se prononcer sur le point 2.