Avis 20227106 Séance du 15/12/2022

Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Nice à sa demande de communication des registres de suivi des déchets des années 2018 et 2019 ou tout autre document concernant la traçabilité et le suivi des déchets émanant du chantier du tramway de Nice. À titre liminaire, la commission relève qu'en vertu des articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement, lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 de ce code énumèrent limitativement les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut rejeter une demande tendant à la communication d'informations relatives à l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations. En vertu de l'article L124-4 de ce code, l’administration peut, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif, notamment, que sa communication porterait atteinte au secret de la vie privée, au secret des affaires ou ferait apparaître le comportement d’une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice (avis n° 20132830 du 24 octobre 2013). La communication des informations relatives à des émissions dans l'environnement fait l'objet de dispositions particulières, figurant au II de l'article L124-5 du même code, qui ne permettent à l'autorité publique de rejeter la demande que dans le cas où la consultation ou la communication de l'information porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou bien au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou encore à des droits de propriété intellectuelle. En l’espèce, la commission estime que les documents sollicités comportent des informations relatives à des émissions de substance dans l'environnement ainsi que, le cas échéant, des informations relatives à l’environnement. Elle en déduit que ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et L124-1 et suivants du code de l'environnement, sous réserve de l'occultation des mentions, autres que celles qui sont relatives à des émissions dans l'environnement, couvertes par le secret des affaires et dont l'intérêt pour l'environnement ne justifierait pas qu'il soit dérogé à ce secret. En réponse à la demande qui lui a été transmise, le maire de Nice a informé la commission qu'il dispose de documents permettant d'assurer le suivi de la traçabilité des seuls déchets dangereux issus des travaux du chantier de tramway, à l'exception des déchets considérés comme recyclables. Il relève que la demande présentée par X a pour objet de déterminer l'origine des déchets illégalement déposés sur X et précise qu'aucun bon n'indique un dépôt sur un site non autorisé. Enfin, il fait valoir que les bons de suivi détenus par la ville de Nice sont en très grand nombre et que leur communication nécessiterait une mobilisation importante du service concerné. La commission rappelle, à cet égard, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ». Elle souligne que le caractère abusif doit être apprécié pour chaque demande, compte tenu d’éléments circonstanciés. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, n° 426623). Comme elle l’a indiqué dans son avis de partie II n° 20220207 du 17 février 2022, et ainsi que l’a confirmé le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620), la commission estime dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. En l'espèce, et à la lumière des principes qui viennent d'être exposés, il n'apparaît pas que la demande, qui revêt un intérêt indiscutable pour les demandeurs dès lors que le gérant de la société X a affirmé que ces déchets provenaient, entre autres, du chantier du tramway de Nice, puisse être regardée comme abusive. La commission émet donc, sous les réserves énoncées plus haut, un avis favorable.