Avis 20227058 Séance du 15/12/2022

Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le président du syndicat central de traitement des ordures ménagères (SYCTOM) à sa demande de communication, en version .xls par voie électronique, pour les périodes, concernant le four 1, du 16 février 2021 à 10h17 au 15 mars 2021 à 14h58 (valeur : 0,091 TEQ/ Nm3), du 15 mars 2021 à 15h24 au 13 avril 2021 à 11h17 (valeur : 0,098 TEQ/ Nm3), du 10 mai 2021 à 15h17 au 7 juin 2021 à 11h22 (valeur : 0,096 TEQ/ Nm3), du 7 juin 2021 à 11h44 au 6 juillet 2021 à 7h52 (valeur : 0,086 TEQ/ Nm3), du 2 août 2021 à 12h46 au 7 août 2021 à 11h16 et du 7 août 2021 à 11h27 au 30 août 2021 à 11h07 (valeur : 0,134 TEQ/ Nm3) et concernant le four 2, du 10 mai 2021 14h44 au 7 juin 2021 11h53 (valeur : 0,094 TEQ/ Nm3), des données brutes (qui n’ont pas fait l’objet de correction ou redressement), minute par minute, des paramètres de combustion suivis par la salle de contrôle de l'incinérateur de déchets d'Ivry-sur-Seine : 1) poussières (PM10, PM 2.5 et si possible PM 1) ; 2) les dioxines se fixant sur les particules ; 3) CO ; 4) CxHy ; 5) SOx ; 6) NOx ; 7) HCl ; 8) HF ; 9) températures : a) dans les fours ; b) dans les zones post combustion ; c) au niveau des appareils de filtration ; d) dans les cheminées. 1. Sur le principe de communication : En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du SYCTOM a informé la commission qu’il ne dispose pas des données brutes demandées concernant les poussières PM 10, 2,5 et 1 dès lors que la mesure des poussières est réalisée en continue sans distinction granulométrique. Il indique également qu’il ne dispose pas des informations demandées sur les dioxines se fixant sur les particules ni davantage sur les CxHy, faute de mesure. Il précise enfin que seul le dioxyde de soufre (SO2) est mesuré en continue et non l’ensemble des oxydes de soufre (SOx). Par suite, et dans cette mesure, la commission ne peut que déclarer sans objet la demande d’avis portant sur les points 1), 2), 4) et 5). Sur le surplus, la commission rappelle que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; (… ) 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement. » La commission rappelle, ensuite, que selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l'environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations. Ces informations sont, en application des dispositions de l'article L124-4 de ce code, après que l'administration a apprécié l'intérêt d'une communication, communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l'occultation préalable des mentions relatives aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5, et en particulier des mentions dont la communication porterait atteinte au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, à la vie privée ou au secret des affaires. La commission souligne ensuite qu'en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement », telles que des émissions atmosphériques, que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret des affaires ou le secret de la vie privée. En l'espèce, la commission estime que les éléments sollicités constituent des informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement, à l'exception de ceux mentionnés au point 9), qu'elle analyse comme des informations relatives à l'environnement. En application des principes rappelés ci-dessus, elle considère que ces informations sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration et des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement. 2. Sur le caractère abusif de la demande : La commission rappelle qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ». Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623). En outre, comme elle l’a indiqué dans son avis de partie II n° 20220207 du 17 février 2022, et ainsi que l’a confirmé le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620), la commission relève que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. En l'espèce, la commission relève qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du SYCTOM a maintenu son refus de communication au motif, que la communication des données échantillonnées à la minute sur l’ensemble des six périodes demandées implique la levée de contraintes techniques et la production de quantités volumineuse de données dès lors qu’elle nécessite l’extraction de lignes de données pour chacun des paramètres demandés représentant un total de près de 2,5 millions d’enregistrements. Il soutient, d’autre part, que la communication de données brutes, c'est-à-dire dépourvue de corrections, ne permet pas d’analyser utilement le fonctionnement d’un incinérateur tel que celui qu’exploite le SYCTOM dès lors qu’une telle évaluation ainsi que les comparaisons avec d’autres équipements comparables, repose, ainsi que les prévoit la réglementation en vigueur, sur des données corrigées. La commission observe toutefois que la demandeur, qui formule sa demande au nom d’un collectif d’associations de défense de l’environnement et du cadre de vie, inscrit sa démarche à la fois dans l’analyse des données publiées par les exploitants de l’incinérateur X et dans la recherche des causes de pollutions constatées à proximité de cet équipement. A la lumière des principes exposés ci-dessus, eu égard, d’une part, à l’intérêt qui s’attache à la communication des documents sollicités pour le demandeur, lequel sert d’ailleurs un objectif d’information du public et, d’autre part, aux moyens matériels et humains dont le SYCTOM est doté, il n’est pas apparu à la commission que le traitement de cette demande ferait peser sur l’autorité saisie une charge de travail disproportionnée. La commission estime, par suite, que cette demande ne présente pas un caractère abusif. Elle souligne enfin, à toutes fins utiles, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. La commission émet donc un avis favorable à la demande.