Avis 20226948 Séance du 15/12/2022
Maître X, conseil de Monsieur X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche historique personnelle relative à la procédure de mise sous protection du père de son client, du dossier conservé au greffe du tribunal judiciaire de Paris sous la cote :
- Dossier de tutelle de X décédé le X à Boulogne-Billancourt (dossier n° RG 18/1/00004).
La commission, qui a pris connaissance de la réponse apportée par le directeur général des patrimoines, relève que la directrice des services de greffe du tribunal judiciaire de Paris, dont l'accord préalable est requis par l'article L213-3 du code du patrimoine avant toute autorisation de consultation avant expiration des délais légaux du code du patrimoine, a notifié son opposition à la communication de ce dossier à Maître X, dans la mesure où cette communication porterait une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, et notamment la vie privée des personnes nommément désignées et toujours en vie. Tenue par les dispositions de cet article L213-3, la direction générale des patrimoines ne pouvait qu'opposer un refus à la demande de Maître X.
La commission rappelle qu'elle est compétente, en vertu des dispositions de l’article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, pour émettre un avis sur la communication au demandeur, en application des dispositions des articles L213-1 à L213-3 du code du patrimoine, par les services qui le conservent, des documents sollicités qui constituent des documents d’archives publiques, au sens de l’article L211-1 de ce même code.
La commission rappelle, en outre, qu’en vertu du c) du 4° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les dossiers relatifs aux affaires portées devant les juridictions deviennent librement communicables à l’expiration d’un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou d’un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé si ce dernier délai est plus bref.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Elle précise que l'intérêt légitime du demandeur est apprécié à la lumière de l'article 15 de la Déclaration du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégées par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au vu de la démarche qu'il entreprend et du but qu'il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d'archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu'ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d'une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l'un et des autres s'effectue en tenant compte notamment de l'effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l'écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l'objet d'une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l'espèce, la commission constate le lien de parenté très proche entre la personne pour le compte de laquelle la demande de consultation est présentée et la personne majeure protégée décédée, ainsi que la signature d'un engagement de réserve. Elle relève, toutefois, que le dossier de tutelle demandé apparaît contenir des informations dont la divulgation serait de nature à porter atteinte aux intérêts de membres de la famille du défunt, encore en vie (vie privée, appréciation ou jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, comportement d'une personne dans des circonstances susceptibles de lui porter préjudice). Elle relève que les motivations avancées apparaissent peu compatibles avec le respect de ces secrets, d'autant que le dossier, clôturé en 2018, est récent.
Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime, par suite, que la consultation anticipée du dossier demandé serait, en l'espèce, de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet, dès lors, un avis défavorable à la demande.