Avis 20226848 Séance du 15/12/2022

Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le président du syndicat inter-arrondissement de valorisation et d’élimination des déchets à sa demande de copie, de préférence par voie électronique, des documents suivants concernant le marché public intitulé « France-Douchy-les-Mines - Travaux de construction d'usines de traitement des déchets » attribué à la société X, dont l’exécution s’avère contrariée par le retrait de l’arrêté préfectoral d’enregistrement du centre de tri : 1) l’ensemble des pièces du marché signé incluant le mémoire technique remis par le titulaire du marché ; 2) l’ordre de service de commencement d’exécution du marché ; 3) tous les avenants au marché signés à ce jour ; 4) les études de conception réalisées par le titulaire du marché comprenant les plans d’ensemble du matériel. La Commission, qui a pris connaissance des observations du président du syndicat inter-arrondissement de valorisation et d’élimination des déchets, rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la Commission estime que les documents visés aux points 1) à 3) de la demande sont communicables au demandeur, dans les conditions et sous les réserves mentionnées ci-dessus, et prend note de l'intention de l'administration de procéder à leur communication, sous ces mêmes réserves, au demandeur, à l'exception du mémoire technique conformément aux principes susmentionnés. Elle estime en outre que les documents visés au point 4) de la demande sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve toutefois de l'occultation préalable des éventuelles mentions relevant du secret des affaires lequel vise notamment le secret des procédés et sous réserve que le titulaire du marché donne son accord à cette communication si celui-ci détient des droits de propriété intellectuelle sur ces documents, conformément à l'article L311-4 du même code. Elle précise à cet égard que, si l'administration fait valoir que "les études de conception réalisées par le titulaire du marché comprenant les plans d’ensemble du matériel sont des documents nécessairement couverts par le secret des affaires et le secret industriel", une telle qualification, tout comme l'existence de droits de propriété intellectuelle, dépendent du contenu du document en cause et elle n'est pas en mesure de s'en assurer en l'espèce, faute d'avoir pu consulter les études en cause. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.