Avis 20226704 Séance du 15/12/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le président de la communauté de communes du Grand Chambord à sa demande de communication, par publication en ligne sur le site grandchambord.fr des documents suivants issus du conseil communautaire du 26 septembre 2022 et des décisions prises par le président de la communauté de communes du Grand Chambord (CCGC) :
1) la convocation adressée aux conseillers communautaires ;
2) la note de synthèse ;
3) le compte rendu de la séance du conseil communautaire ;
4) l'avis du pôle d'évaluation domaniale en date du 13 octobre 2021 pour la vente au profit de la SARL X ;
5) les avis du pôle d'évaluation domaniale en date du 7 février 2022 pour les ventes au profit de la SARL X et de la SARL X ;
6) l'avis du pôle d'évaluation domaniale en date du 5 septembre 2022 pour la vente au profit de la SARL X ;
7) les décisions du président n° 2022-34 à n° 2022-45 ;
8) le marché attribué à la société d'avocats X pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage ;
9) le marché d'exécution des missions de contrôles du service public d'assainissement non collectif (SPANC) attribué à l'entreprise X ;
10) le marché attribué à X pour la mission de maîtrise d'œuvre relative au gymnase de Bracieux ;
11) le marché attribué à la SAS X pour les travaux d'autosurveillance et de diagnostic permanent des systèmes d'assainissement ;
12) le marché attribué à la société X pour le transport vers le centre aquatique et pour des sorties pédagogiques, culturelles et scientifiques ;
13) le marché attribué à l'entreprise X pour l'entretien des installations d'éclairage public sur le territoire de la communauté de communes ;
14) les marchés attribués aux entreprises X et X portant sur l'étanchéité pour l'entretien, la maintenance et les réparations à réaliser sur le patrimoine bâti de la CCGC.
En l’absence de réponse du président de la communauté de communes du Grand Chambord, la Commission estime, en premier lieu, que la convocation adressée aux conseillers communautaires est un document librement communicables à toute personne en faisant la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée telles que, notamment, les adresses électroniques ou postales des élus . Elle émet donc un avis favorable au point 1) de la demande, sous cette réserve.
La Commission précise, en second lieu, que les documents sollicités aux points 2) et 3) de la de la demande sont communicables sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des éventuelles mentions protégées en application de l'article L311-6 de ce même code, notamment au titre du secret des affaires ou de la vie privée.
En troisième lieu, la Commission rappelle qu'il résulte de l’article L5211-46 du code général des collectivités territoriales que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, des budgets et des comptes de ces établissements ainsi que des arrêtés de leur président ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La Commission estime que les décisions prises par le président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en application de la délégation que lui a confiée l'assemblée délibérante entrent dans le champ de ces dispositions.
La Commission précise toutefois que si l'article L5211-46 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des EPCI, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
La Commission estime par suite, que les décisions visées au point 7) de la demande sont communicables à toute personne en faisant la demande sur le fondement de ces dispositions, sous réserve de l’occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret des affaires, le secret de la vie privée ou de tous autres secrets protégés par la loi (CE, 27 septembre 2022, n° 452614).
Elle émet donc un avis favorable sur ce point, sous ces réserves.
La Commission considère, en quatrième lieu, que sont également communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 susmentionné, les documents visés aux points 4), 5) et 6) de la demande, à condition qu'ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, c'est à dire sous réserve, le cas échéant, que la transaction qu'ils préparent soit intervenue ou que l'administration y ait définitivement renoncé, et sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée en application de l'article L311-6 du même code. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points de la demande.
La Commission précise, en cinquième lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par les articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
En outre, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics.
La Commission estime ainsi que les documents mentionnés aux points 8) à 14) sont communicables à toute personne qui en fait la demande sous réserve de l’occultation des mentions protégées par le secret des affaires.
S'agissant des modalités de communication des documents sollicités, la Commission rappelle, d'une part, que l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose que : « L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : (…) 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6. ».
Le 1° de l'article L312-1-1 du CRPA prévoit également que, sous réserve des articles L311-5 et L311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations doivent publier les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au titre Ier du livre III du CRPA, ainsi que leurs versions mises à jour.
La Commission rappelle ensuite qu'aux termes de l'article L312-1-2 de ce code : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. / Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. / (...) ».
La Commission rappelle, d'autre part, que l'article L300-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : « Toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. », que l'article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique définit comme « tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en œuvre ».
La Commission relève, à cet égard, que le référentiel général d'interopérabilité (RGI), prévu à l'article 11 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, fixe les règles techniques permettant d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information et détermine notamment les répertoires de données, les normes et les standards qui doivent être utilisés par les autorités administratives. La version 2.0 du RGI a été publiée par arrêté du 20 avril 2016.
La Commission déduit de ces dispositions que le code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation à l’administration de communiquer sous forme électronique les documents dont elle ne dispose pas déjà sous cette forme, ou de numériser un document disponible en version papier.
En revanche, lorsque l'administration dispose d'un document sous format numérique qu’elle doit publier en ligne en application des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, cette diffusion en ligne doit être assurée dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé dans la limite des possibilités techniques de l’administration dès lors qu'elle en dispose déjà sous ce format ou qu'elle est susceptible d'en disposer à l'issue d'une opération de transfert, de conversion ou de reproduction courante.
La Commission émet dès lors un avis favorable à la diffusion en ligne des documents sollicités, selon les modalités précitées.
Enfin, la Commission prend note des nombreuses demandes formulées par Monsieur X auprès de la communauté de communes du Grand Chambord et l’invite, à nouveau, à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'il fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.