Avis 20226689 Séance du 24/11/2022
Madame X a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 26 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Saint-Étienne à sa demande de communication, sous forme électronique par courriel, en sa qualité de conseillère municipale, des documents administratifs suivants relatifs au cabinet du maire et des élus(e)s :
1) l'organigramme et la composition du cabinet du maire, pour les années 2014 à 2022 ;
2) les fiches de postes des collaborateurs et collaboratrices du cabinet, pour les mêmes années ;
3) les arrêtés de nomination ou détachement, ainsi que les contrats, du personnel de cabinet du maire, pour les mêmes années.
La commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
En l'absence de réponse du maire de Saint-Étienne à la date de sa séance, la commission précise, en premier lieu, que le droit de communication prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne s'applique qu'à des documents existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. En revanche, et sous cette dernière réserve, cette loi ne fait pas obligation à l’administration saisie d’une demande de communication de procéder à des recherches en vue de collecter l'ensemble des documents éventuellement détenus (CE, 27 septembre 1985, Ordres des avocats de Lyon c/ X, recueil page 267), ou d'établir un document en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Min. d'État, min. éduc. nat. c/ Mme X et CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection).
La commission estime que les documents mentionnés aux points 1) et 2), s'ils existent ou s'ils peuvent être obtenus au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant, sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable à la demande.
En second lieu, la commission rappelle que si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime.
Elle considère que les actes de nomination ou de détachement des agents de la fonction publique territoriale sont des documents administratifs en principe communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions des articles L2121-26, L3121-17, L4132-16, L5211-46, L5421-5, L5621-9 et L5721-6 du code général des collectivités territoriales. La commission précise, toutefois, que si ces dispositions ont institué un régime spécifique d'accès aux documents des collectivités territoriales et de leurs groupements, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que notamment le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n° 449620) ou le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012). En outre, et ainsi que le Conseil d’État l'a jugé dans sa décision Commune de Sète du 10 mars 2010, n° 303814, les dispositions du code général des collectivités territoriales, dont la portée n'est pas limitée aux arrêtés réglementaires, ne sauraient être interprétées, eu égard à leur objectif d'information du public sur la gestion municipale, comme prescrivant la communication des arrêtés portant des appréciations d'ordre individuel sur les fonctionnaires territoriaux. Alternativement, la commission estime que la collectivité ou le groupement employeur peut, si le demandeur le souhaite ou si l’occultation des mentions nominatives ne permet pas de garantir l’anonymat, maintenir ces mentions mais occulter l’ensemble des appréciations d’ordre individuel (par exemple, le montant des primes variables allouées et le montant total de sa rémunération, qui permet de déduire la première information). Cette formule permet au demandeur d’avoir accès aux informations communicables des arrêtés nominatifs.
La commission considère, en outre, que le contrat de travail d'un agent public est communicable à toute personne qui en fait la demande, sous réserve que soient occultées les mentions intéressant la vie privée ou susceptibles de révéler l'appréciation portée sur l'agent, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Doivent en particulier être occultés, sur ce fondement, les éléments relatifs à sa situation personnelle (date de naissance, adresse privée, situation de famille, horaires de travail), ainsi que les éléments individualisés de la rémunération liés soit à la situation familiale et personnelle de l’agent en cause (supplément familial), soit à l’appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement). Il en serait de même, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l’appréciation ou du jugement de valeur porté sur l’agent. La commission souligne également que le Conseil d’État (CE, 24 avril 2013, n° 343024 et CE, 26 mai 2014, n° 342339) a précisé que lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail ou le bulletin de salaire d'un agent public résulte de l'application des règles régissant l'emploi concerné, sa communication à un tiers n'est pas susceptible de révéler sur la personne recrutée une appréciation ou un jugement de valeur, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et les administrations, mais qu'en revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, la rémunération révèle nécessairement une telle appréciation ou un tel jugement de valeur.
En application de ces principes, la commission émet un avis favorable à la demande en son point 3), sous ces réserves.