Avis 20226612 Séance du 24/11/2022
Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le président de Bordeaux Métropole à sa demande de copie des documents suivants concernant le contrat de concession de services de transports publics urbains de voyageurs et de services de mobilités durables de Bordeaux métropole :
1) la délibération du conseil communautaire en date du 7 juillet 2022 et ses annexes ;
2) le procès-verbal d’ouverture des candidatures et le rapport d’analyse de la commission de délégation de service public ;
3) le procès-verbal d’ouverture des offres et le rapport d’analyse des offres de la commission de délégation de service public faisant notamment apparaître les éléments de notation et de classement sur les différents critères et sous-critères ;
4) le procès-verbal et les documents de présentation de la réunion du comité de consultation composé des membres de la commission de délégation qui s’est réuni le 5 mai puis le 9 mai 2022 ainsi qu’une copie du courrier qui a été adressé par la vice-présidente X à des réunions de comité de suivi ;
5) l’ensemble des pièces retraçant l’évolution des négociations avec la société attributaire (phases de questions-réponses) ;
6) le rapport complet de l’autorité habilitée à signer le contrat comprenant l’analyse de l’assistance à maîtrise d’ouvrage et présentant les motifs du choix de la société attributaire et l’économie générale du contrat ;
7) l’ensemble des rapports et pièces transmis aux membres du conseil communautaire en vue de la préparation de la délibération du 7 juillet 2022 ;
8) le contrat de concession signé par Bordeaux Métropole et la société attributaire ainsi que l’ensemble de ses annexes ;
9) l’extrait de l’offre de la société X mentionnant ses propositions et à minima les dates des offres auxquelles ses propositions ont été effectuées ;
10) l’étude de Bordeaux métropole sur la base de laquelle la société X s’est appuyée pour faire ses propositions de liaisons Tramway supplémentaires et d’augmentation des fréquences ;
11) les questions/réponses échangées avec chacun des candidats sur leurs propositions respectives d’engager la société attributaire en tant que société à mission, ainsi que le contenu précis de leurs propositions associés (gouvernance de la société, engagement d’association des parties prenantes, etc.) ;
12) les engagements de la société attributaire en matière de sous-traitant, notamment les engagements de mise en concurrence conformément à l’article 11 du projet de contrat de concession.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de Bordeaux Métropole a précisé qu'il accusait un certain retard dans le traitement de la présente demande compte tenu de la charge de travail importante qu'elle génère pour ses services, mais qu'il entendait néanmoins la satisfaire dans le respect des secrets protégés.
La Commission rappelle, en premier lieu, que les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication de documents dans l'hypothèse où celle-ci est de nature à porter atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ». Si la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents, est en revanche exclue la communication des documents administratifs, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction (CE, 21 octobre 2016 n° 380504). Il appartient, dans cette hypothèse, à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document, de déterminer, à la date à laquelle elle se prononce, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité.
En l’espèce, en l’état des informations portées à sa connaissance, la Commission estime que la communication des documents sollicités n’est pas de nature à porter atteinte au déroulé de la procédure juridictionnelle en cours devant le tribunal administratif de Bordeaux.
La Commission rappelle, en deuxième lieu, s'agissant du point 1), qu’il résulte de l'article L5211-46 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, des arrêtés de leur président, ainsi que de leurs budgets et de leurs comptes. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes telles les factures, sont communicables à toute personne qui en fait la demande.
La commission précise que si les dispositions du code général des collectivités territoriales ont institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
La Commission estime, par suite, que la délibération sollicitée, ainsi que ses annexes, sont des documents administratifs communicables à toute personne en faisant la demande sur le fondement de ces dispositions, sous réserve de l’occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret des affaires ou de tous autres secrets protégés par la loi (CE, 27 septembre 2022, n° 452614).
En application de ces principes, la Commission émet un avis favorable à la demande en son point 1), sous ces réserves.
En troisième lieu, la Commission estime que l’étude mentionnée au point 10) de la demande, si elle existe, est communicable à toute personne en faisant la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation des mentions protégées par l'article L311-6.
En quatrième lieu, s’agissant du surplus de la demande, la Commission rappelle qu'une fois signés, les délégations de service public définies comme des contrats de concession de travaux ou de service au sens du code de la commande publique (L1121-1 à L1121-3) et les documents qui s'y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le contrat ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
En application de ces principes, la Commission estime, en particulier, que les documents du dossier de consultation des entreprises se rapportant à la convention initiale, tels que le cahier des charges ou le règlement de consultation ne revêtent jamais un caractère préparatoire et ne sont pas couverts par le secret des affaires. Ces documents sont, dès lors, intégralement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. Il en va de même de la liste des entreprises ayant participé à la procédure.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Sont notamment visées par cette réserve, pour l’ensemble des candidats, y compris l’entreprise retenue, les mentions relatives à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des contrats publics.
La Commission considère, en outre, de façon générale que sous réserve des particularités propres à chaque délégation :
- l'offre détaillée de l'entreprise retenue est en principe communicable, dans la mesure où elle reflète la qualité et le coût du service rendu à l’usager ;
- l'offre globale des entreprises non retenues est, en principe, elle aussi communicable. En revanche, le détail technique et financier de leurs offres ne l’est pas. De plus, doivent être occultées dans les documents préalables à la conclusion du contrat de concession (procès-verbaux, rapports de la commission de délégation de service public et de l'autorité habilitée à signer le contrat, documents relatifs à la négociation des offres…) les mentions relatives aux détails techniques et financiers de ces offres ;
- de la même manière, si les moyens techniques et humains mentionnés dans les offres des candidats sont protégés par le secret des affaires, certaines mentions se rapportant au cocontractant, tels que le montant de la masse salariale ou la liste des biens et équipements mis à sa disposition sont en revanche librement communicables, en ce qu’elles reflètent le coût du service ;
- les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du contrat sont librement communicables ;
- le contrat de délégation de service public est communicable ainsi que ses annexes, sous réserve de l'occultation des éléments couverts par le secret des affaires.
La Commission rappelle, également, s'agissant des différents échanges entre l'administration et les candidats à un contrat de concession, que la liste des questions formulées par les candidats en cours de procédure et les réponses qui y sont apportées par le pouvoir adjudicateur, est, en application des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats, portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, le plus souvent par voie de publication sur le profil acheteur de l’administration concernée. Dès lors qu’elle conserve un caractère général, en ce qu’elle ne révèle aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, la Commission estime que cette liste est librement communicable à toute personne en faisant la demande.
Elle relève ensuite que le code de la commande publique autorise les acheteurs à demander aux candidats concernés de régulariser leur candidature ou leur offre, dans certaines conditions fixées par les textes. Dans la mesure où les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil n° 20065427 du 21 décembre 2006), la Commission considère que les demandes de régularisation de ces dossiers ne le sont pas davantage. En revanche, elle estime que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, ainsi que les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires.
S’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la Commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables.
Enfin, la Commission estime que les procès-verbaux de négociation, dans la mesure où ils se limitent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande.
La Commission précise, enfin, qu'en application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, les sous-traitants doivent être agréés par le maître d'ouvrage pour bénéficier d'un droit au paiement direct. En l'absence de cet agrément, les actes de sous-traitance et quitus des sous-traitants relèvent uniquement des relations commerciales entre deux entreprises privées. Le code des relations entre le public et l’administration s'applique, en revanche, aux demandes de communication de tels actes lorsque la sous-traitance a fait l'objet d'un agrément. Dans cette seconde hypothèse, les actes de sous-traitance ou le formulaire DC4 sont librement communicables dans les conditions précédemment rappelées liées au secret des affaires applicables à l’entreprise attributaire.
En l'espèce, la Commission estime que les documents demandés sont communicables aux tiers, sous la réserve tenant au secret des affaires appréciée conformément aux principes ci-dessus rappelés. Elle émet, sous ces réserves un avis favorable à la demande.