Avis 20226609 Séance du 24/11/2022

Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de cabinet du président de la République à sa demande de communication, par voie électronique, des documents relatifs aux conditions d’obtention de la nationalité française en août 2021 de Monsieur X : 1) l'ensemble des correspondances (courriers, e-mails, ou autres) entre Monsieur Emmanuel MACRON et son cabinet, avec Monsieur X ou toute autre personne agissant pour son compte, entre le 1er janvier 2019 et le 20 mai 2022 ; 2) l'ensemble des correspondances reçues ou envoyées par Monsieur Emmanuel MACRON et son cabinet mentionnant X, entre le 1er janvier 2019 et le 20 mai 2022. La commission, qui a pris connaissance de la réponse exprimée par le directeur de cabinet du président de la République, rappelle, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 67 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 : « Le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. » La commission en déduit que des correspondances émanant directement du président de la République, agissant en cette qualité, ne peuvent être qualifiées de documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle estime qu’il en va nécessairement de même des courriers, courriels et autres documents adressés personnellement au président de la République et à l’origine de ces correspondances, ainsi que des réponses à celles-ci (avis de partie II du 13 octobre 2022 n°20225103). En application de ces principes, la commission ne peut, en conséquence, que déclarer irrecevable les points 1) et 2) de la demande en tant qu'ils concernent le président de la République. En second lieu, la commission rappelle qu’à la différence des documents susmentionnés propres au président de la République lui-même, agissant en cette qualité, ceux que détient la présidence de la République dans le cadre des missions qui lui sont dévolues constituent des documents administratifs entrant dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration (v. s'agissant des documents comptables relatifs à des dépenses engagées par la Présidence de la République : CE, 27 novembre 2000, Association Comité Tous Frères, aux tables du Rec. Lebon). La commission estime que les échanges intervenus entre des collaborateurs de la présidence de la République et des représentants d’une entreprise dans le cadre de la préparation d’une entrevue, ainsi que les notes prises par ces collaborateurs et les documents échangés à cette occasion, constituent des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle relève qu’est sans incidence, à cet égard, la circonstance que l’entrevue ait été organisée, non pas à l’intention du Chef de l’État ou d’un autre agent public, mais pour son épouse, agissant dans le cadre de la Charte de transparence relative au statut de conjoint du Chef de l’État, et qu’elle ait été présidée par celle-ci. Elle précise, en revanche, que les documents produits et reçus par le conjoint du Chef de l’État lui-même, dans ce cadre, ne sont pas des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, soumis au droit d’accès prévu par l’article L300-1, mais des documents privés. La commission rappelle ensuite que la demande de communication de documents administratifs doit être suffisamment précise pour permettre à l'administration d'identifier clairement le ou les documents souhaités, sans l'obliger à procéder à des recherches. En effet, le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux administrations de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE 27 sept. 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, req. n° 56543, Lebon 267. – CE 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, req. n° 83477). Au cas d'espèce, afin de donner un effet utile à la demande de Monsieur X, la commission estime qu'elle doit être analysée comme portant sur tout document permettant d'éclairer le demandeur sur les conditions d’obtention de la nationalité française de Monsieur X. La commission rappelle, à cet égard, qu’en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne sont communicables qu’à la personne intéressée, tant que les délais prévus au I de l'article L213-2 du code du patrimoine ne sont pas expirés. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, ministre de l'immigration nationale et du développement solidaire c/ M. X (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil X), que l'intéressé, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, ainsi que les conclusions du rapporteur public sur cette affaire permettent de le comprendre, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. En l'espèce, la commission constate que le demandeur ne se prévaut ni de la qualité d'ayant droit de Monsieur X ni d'aucun droit à raison des documents dont il demande la communication, qui sont soumis à un délai d'incommunicabilité de cinquante ans en raison du secret de la vie privée de l'intéressé, au titre du 3° du I de l'article L213-2 du code du patrimoine. La commission émet, par suite, un avis défavorable sur le surplus de la demande.