Conseil 20226150 Séance du 24/11/2022
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 novembre 2022 votre demande de conseil relative à la question de savoir s'il faut occulter, avant leur publication sur le site de la ville, les mentions (noms, prénoms, adresse et profession des mariés) figurant dans les arrêtés relatifs aux délégations de fonctions accordées à un conseiller municipal à l’occasion d’un mariage, sachant que ces mêmes mentions apparaissent dans les bans de mariage ?
La commission vous rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
En ce qui concerne l'articulation entre les modalités de mise en ligne des actes pris par les autorités communales avec la protection des secrets protégés et des données personnelles, la commission vous rappelle sa doctrine issue du conseil n° 20221096 du 21 juillet 2022 :
1. Modalités de mise en ligne des actes pris par les autorités communales et articulation avec les règles générales de diffusion publique posées par le code des relations entre le public et l'administration (CRPA) :
Depuis le 1er juillet 2022, l’article L2131-1 du code général des collectivités territoriales impose une publication sous forme électronique des actes réglementaires et des décisions ne présentant ni un caractère réglementaire, ni un caractère individuel pris par les autorités communales. Cette publication est de nature à garantir l’authenticité des actes et à assurer leur mise à disposition du public de manière permanente et gratuite. Par dérogation, les communes de moins de 3 500 habitants sont libres d’opter pour une publication par affichage, sur papier ou sous forme électronique. L’article R2131-1 du même code précise les modalités de cette publication.
Aux termes de ces dispositions, les actes concernés sont « mis à la disposition du public sur le site internet de la commune dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l'intégrité et à en effectuer le téléchargement. La version électronique de ces actes comporte la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur ainsi que la date de mise en ligne de l'acte sur le site internet de la commune. La durée de publicité de l'acte ne peut pas être inférieure à deux mois ».
Ces nouvelles dispositions appellent de la part de la commission plusieurs observations.
En premier lieu, dans le dernier état de sa doctrine, la commission considère que seule une mise en ligne, par l'administration ou sous son contrôle, et dans des conditions permettant d'en garantir la pérennité, d'un document administratif dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé dès lors qu'elle en dispose déjà ou qu'elle est susceptible d'en disposer à l'issue d'une opération de transfert, de conversion ou de reproduction courante peut être regardée comme une diffusion publique au sens du quatrième alinéa de l'article L311-2 du CRPA (avis n° 20191393, du 17 octobre 2019). Elle estime traditionnellement que la mise en ligne de documents administratifs numérisés au format PDF image ne permet ni la réutilisation, ni l'exploitation des données fournies par un système de traitement automatisé et ne saurait être regardée comme une diffusion publique au sens de l’article L312-1 et du quatrième alinéa de l'article L311-2 du CRPA.
La commission relève, d’une part, que ni le CGCT, ni le CRPA n’impose de format type. Elle constate, par ailleurs, que la mise en ligne des actes sur le site internet des communes sous un format non modifiable constitue une garantie de l’authenticité des actes, ces derniers ne pouvant plus être modifiés après leur publication, ni par la collectivité territoriale, ni par un tiers, mais ne facilite en revanche pas la libre réutilisation des données. Elle observe, à cet égard, que ces dispositions particulières dérogent à l’acception relativement étroite de la notion de diffusion publique retenue par sa doctrine.
La commission souligne, d’autre part, que la durée de publicité de l’acte, qui ne peut être inférieure à deux mois selon l’article R2131-1 du CGCT, doit être distinguée de la mise à disposition du public permanente et gratuite prévue par l’article L2131-1 du CGCT. A cet égard, la direction générale des collectivités locales a précisé, dans ses outils pédagogiques destinés aux collectivités territoriales accessibles en ligne à partir du lien suivant : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/publicite-et-entree-en-vigueur-des-actes-des-collectivites-locales, qu’une mise en ligne d’un acte pendant au moins deux mois, suivie d’un archivage électronique accessible aux usagers avec un moteur de recherche, répond à l’exigence de pérennité.
2. Mise en ligne des actes dans leur intégralité et articulation avec la protection des secrets protégés et des données personnelles :
La publication en ligne de documents administratifs par l’administration doit en principe s’effectuer dans le respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du CRPA.
En premier lieu, cet article dispose, dans son premier alinéa, que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. »
La commission déduit de ces dispositions que pour pouvoir faire l’objet d’une publication en ligne sur le site internet de l’administration, un document administratif doit en principe, au regard des mentions qu’il contient, être communicable à toute personne.
Il y a lieu de distinguer selon que la communication du document est régie par les dispositions du livre III du CRPA ou par une législation spéciale.
Lorsque la communication d’un document est soumise aux dispositions du CRPA, il ne peut être procédé à sa publication que si son contenu respecte les secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du CRPA.
En revanche, lorsque la communication d’un document relève d'une législation spéciale qui n’inclut pas ces articles, le contenu du document doit, pour pouvoir être publié, se conformer aux règles et principes issus de cette législation particulière et qui conditionnent sa communicabilité à toute personne.
Constitue une législation spéciale qui déroge au régime de droit commun d’accès aux documents administratifs prévu par le titre Ier du livre III du CRPA, l'article L2121-26 CGCT.
Il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État (décision Commune de Sète du 10 mars 2010, n° 303814, complétée par la décision du 17 mars 2022, n° 449620), que si les exceptions au droit d’accès prévues à l’article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement des dispositions spéciales de l’article L2121-26 du CGCT, l’exercice de ce droit d’accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d’autres fondements, tels que le secret de la vie privée ou le secret industriel et commercial.
La commission relève, par ailleurs, que l’article L312-1-2 du CRPA réserve le cas des dispositions législatives ou réglementaires contraires, susceptibles de prévoir une publication en ligne sans occultation des mentions protégées par les articles L311-5 ou L311-6. Elle estime, à cet égard, que l’article R2131-1 en prévoyant que les actes sont publiés « dans leur intégralité » permet de s’affranchir de la confidentialité organisée par ces articles. Les actes concernés par la réforme sont donc publiables en ligne sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’occultation des mentions protégées par les articles L311-5 ou L311-6. En revanche, elle considère, s’agissant des catégories d’actes relevant de l’article L2121-26 du CGCT, tels que les arrêtés réglementaires, que les informations qui ne sont pas nécessaires à la satisfaction de l’objectif, poursuivi par le législateur, d’information du public sur la gestion municipale demeureront occultables, en application des principes non écrits issus de la jurisprudence du Conseil d’État.
En second lieu, la commission relève que lorsqu'un document administratif comporte des données à caractère personnel, il doit alors, pour pouvoir être publié en ligne, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 du CRPA.
Aux termes de ces dispositions, sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Elle figure à l'article D312-1-3.
La commission relève qu’une norme réglementaire ne permet pas de déroger à ces dispositions. Elle en déduit que les dispositions de l’article R2131-1 du CGCT, en prévoyant une publication des actes dans leur intégralité, ne peuvent être regardées comme ayant entendu déroger au principe général d’anonymisation avant publication, prévu par l’article L312-1-2 du CRPA.
La publication en ligne des documents concernés par la réforme doit donc, comme avant la réforme, s’effectuer après anonymisation des données personnelles, sauf consentement des personnes ou applicabilité de l’une des dispenses prévues par le CRPA.
En l'espèce, la commission estime que la publication en ligne des arrêtés de délégation de fonction sur lesquels vous l’interrogez ne peut intervenir qu'après anonymisation des données personnelles se rapportant aux mariés, sauf consentement des personnes concernées.