Avis 20225993 Séance du 24/11/2022

Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 3 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de l'établissement public de santé Alsace-Nord (EPSAN) à sa demande de communication, sur le fondement des trois motifs prévus à l'article L1110-4 du code de la santé publique, de l'intégralité du dossier médical de son époux, Monsieur X, décédé, et plus particulièrement les éléments relatifs à son suivi de 2018 à 2021. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur de l'EPSAN a indiqué à la commission qu'il avait déjà transmis à Madame X l'ensemble des documents répondant, selon les médecins de l'EPSAN, à la demande de l'intéressée compte tenu des motifs invoqués, par un courrier du 15 juillet 2022 dont il a joint une copie. La commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. L’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur. La commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant. La commission comprend qu’en l’espèce, le patient décédé a fait l’objet d'une prise en charge et d’une hospitalisation au sein du service psychiatrie de l'ESPAN. La commission relève en outre, d'une part, que la qualité d’ayant-droit de Madame X n’est pas contestée et, d’autre part, que la demande est motivée par l’objectif de connaître les causes de la mort, de faire valoir ses droits et de défendre la mémoire du défunt. La commission, qui constate que l'ESPAN a déjà procédé à la communication d'une partie des éléments demandés, estime qu’il s’agit d’une justification suffisante au regard de l’article L1110-4 du code de la santé publique. La commission précise que, dans une configuration telle que celle de l’espèce, les causes de la mort au sens de l’article L1110-4 du code de la santé publique ne peuvent être réduites au seul « passage à l’acte », mais comprennent l’ensemble des éléments susceptibles de l’expliquer, notamment l’état psychiatrique du défunt. Elle estime également que la circonstance que le décès serait intervenu en dehors des locaux de l’établissement serait sans incidence sur la détermination des causes de la mort et la possibilité d’en trouver, le cas échéant, des éléments de compréhension au sein du dossier médical. La commission estime par conséquent et sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès, que doivent être notamment communiqués à son épouse l’ensemble des éléments susceptibles, directement ou indirectement, d’établir ou d’écarter d’éventuels liens - quels qu’ils soient - entre le suivi ou l’hospitalisation et l’état de santé du défunt au cours de ceux-ci et son suicide, qu’il s’agisse d’informations relatives à son comportement, aux pathologies diagnostiquées, aux traitements suivis, aux conditions de sa sortie ou encore à l’existence ou l’absence de risques de passage à l’acte. Elle précise à cet égard que, dans de telles conditions, une communication large du dossier se justifie (v. conseil de partie II n° 20223495 du 7 juillet 2022).. En l'espèce, la commission constate que Madame X a obtenu certains documents répondant à sa demande fondée sur les motifs "connaître les causes de la mort" et "faire valoir ses droits". Elle ne peut donc que déclarer irrecevable la demande dans cette mesure. Elle estime néanmoins, à toutes fins utiles, que si d'autres documents répondant aux principes rappelés au paragraphe précédent existent, ceux-ci - tels que déterminés par l'équipe médicale - sont communicables à Madame X. La commission constate également que le directeur de l'EPSAN n'a pas communiqué les documents répondant au motif "défendre la mémoire du défunt". Toutefois, elle relève qu'en dépit de la demande de l'EPSAN en ce sens, Madame X n'a pas précisé la nature des droits qu’elle entendait faire valoir, préalable nécessaire à l'identification des documents communicables. Elle ne peut donc que déclarer également irrecevable la demande dans cette mesure, en l'absence de refus établi.