Avis 20225971 Séance du 03/11/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre des armées à sa demande de communication d'une copie du dossier d'enquête transmis aux services de gendarmerie dans le cadre de la plainte déposé en 2017 par le directeur du SNOI. En l'absence de réponse du ministre des armées à la date de sa séance, la Commission, qui n’a pas pu prendre connaissance du document sollicité, rappelle, en premier lieu, que les documents élaborés par l'administration à l'intention de l'autorité judiciaire ou d'une juridiction ne revêtent pas le caractère de documents administratifs mais celui de documents judiciaires, lesquels n'entrent pas dans le champ d'application du titre III du code des relations entre le public et l'administration et sur la communication desquels elle n'est, par suite, pas compétente pour se prononcer. Elle ajoute que ces documents ne peuvent être communiqués, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente. En revanche, un rapport, quelle que soit sa forme, qui n’a pas vocation à être transmis à l’autorité judiciaire constitue un document administratif communicable sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. En l’espèce, en supposant que le document sollicité revête un caractère administratif et soit en conséquence régi par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration, la Commission rappelle, en second lieu, que le dossier relatif à une enquête administrative est un document administratif en principe communicable sur le fondement des dispositions du code des relations entre le public et l'administration à la condition d'une part, que l'enquête soit achevée, d'autre part, qu'il ne présente plus un caractère préparatoire à une décision en cours d'élaboration, par exemple une décisions disciplinaire, et enfin qu'une procédure disciplinaire ne soit pas en cours, auquel cas le code des relations entre le public et l'administration ne trouverait plus à s'appliquer au profit des dispositions régissant une telle procédure. En outre, devront être occultées avant communication, en application des dispositions de l'article L311-6 du même code, les mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable autre que le demandeur, ou faisant apparaître le comportement d'une personne autre que ce dernier, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. La Commission considère, sur ce fondement, que les documents tels que les témoignages recueillis dans le cadre d'une enquête administrative, tout comme les lettres de signalement, de plainte ou de dénonciation adressées à une administration, dès lors que leur auteur est identifiable, que ce soit directement ou par déduction, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le témoignage ou la lettre en question. A défaut de pouvoir rendre impossible l'identification de leur auteur, l’intégralité des propos tenus doit être occultée. Lorsqu'une telle occultation conduirait à priver de son sens le document sollicité, sa communication doit être refusée. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d’une lettre anonyme, elle n’est communicable qu’à la personne mise en cause, à condition qu’elle ne soit pas manuscrite et que son auteur ne puisse pas être identifié. En revanche, les documents émanant d'agents établis dans le cadre de leurs fonctions, notamment des autorités hiérarchiques de l’intéressé, ne sont pas couverts par cette réserve (avis n° 20204111, du 10 décembre 2020). La Commission considère également que les passages d'un rapport qui, sans mettre directement en cause une personne physique nommément désignée et sans révéler de manquements graves, analysent, même de façon critique, l'activité du service, sa gestion et sa situation financière, n'entrent pas dans le champ des mentions dont la divulgation serait contraire à l'article L311-6 et n’ont donc pas à être occultées. La Commission rappelle enfin que les documents élaborés par les services de l’État avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration. La Commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, n° 372230, Rec. p. 493). La Commission, qui n'a pu prendre connaissance des documents sollicités, comprend que Monsieur X est un agent public et qu'une procédure juridictionnelle le concernant est susceptible d'être en cours. En l'état des informations dont elle dispose, elle émet un avis favorable à la demande, sous l’ensemble de ces réserves.