Avis 20225824 Séance du 03/11/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le chancelier de l'Institut de France à sa demande de communication, par courriel, de la lettre de motivation des membres au poste d'académicien des six sections de l'Académie des sciences morales et politiques. La commission rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Elle relève que, selon l'article 35 de la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, l'Académie des sciences morales et politiques est, comme les autres compagnies composant l'Institut de France, une personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République et ayant pour mission de contribuer au perfectionnement et au rayonnement des lettres, des sciences et des arts. Les statuts de l'Académie des sciences morales et politiques, figurant en annexe du décret n° 2018-867 du 8 octobre 2016, prévoient en outre que l'Académie des sciences morales et politiques se compose de cinquante académiciens titulaires, répartis en six section, élus en séance publique par les académiciens titulaires. Enfin, le règlement intérieur de l'Académie des sciences morales et politiques précise, à son article 2, que l’académie est composée de personnalités éminentes ayant particulièrement contribué au développement et au rayonnement des sciences morales et politiques. La commission, qui a pris connaissance des observations de la secrétaire générale de l'Académie des sciences morales et politiques, estime que la présente demande doit être analysée comme tendant à la communication des lettres de candidature manuscrites que les candidats à un siège adressent au secrétaire perpétuel préalablement à leur élection. Elle considère que ces courriers constituent des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. La commission rappelle, ensuite, qu'en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents dont la communication porterait atteinte au respect de sa vie privée. Elle précise que si le nom et le prénom d'une personne physique ne sont pas, en tant que tels, couverts par la protection de la vie privée (Conseil d'État, Section, 30 mars 1990, Mme X, n° 90237, au Recueil Lebon p. 85), leur rapprochement avec des informations elles-mêmes relatives à la vie privée des personnes auxquelles elles se rapportent, qui deviennent alors identifiables, justifie l’occultation de ces mentions ou, si les occultations nécessaires dénaturent le sens du document ou privent d'intérêt sa communication, la non-communication du document. La commission considère que la divulgation de l'identité d'une personne candidate à une nomination ou à un emploi, dont la démarche relève d'un choix personnel susceptible d'affecter divers aspects de sa vie professionnelle et personnelle, est susceptible de porter atteinte au respect de sa vie privée, sauf dans l'hypothèse où les règles de la procédure édictées pour cette nomination auraient à l'avance prévu une telle publicité, et où la candidature aurait ainsi été faite en connaissance de cause de sa future divulgation, de même que dans le cas du candidat nommé, dont la nomination rend nécessairement publique la candidature préalable (avis de partie II n° 20156097 du 4 février 2016). La commission considère, en revanche, que l'acte décidant de la nomination d’une personne à un emploi ainsi que la demande et les documents enregistrant la candidature de cette personne effectivement nommée sont communicables à toute personne qui le demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve toutefois d'occulter préalablement, le cas échéant, conformément à l'article L311-6 du même code, les mentions relatives à la situation personnelle des intéressés, dont la communication porterait atteinte à la protection de leur vie privée (comp. en matière de mutations d’agents publics, avis de partie II n° 20144115 du 27 novembre 2014). La secrétaire générale de l'Académie des sciences morales et politiques a maintenu son refus de communication en faisant valoir que les lettres de candidature sollicitées comportent des informations privées sur les coordonnées des candidats. La commission rappelle, toutefois, qu'aux termes de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ». La commission relève qu’il incombe à l’autorité saisie de procéder à ce travail de disjonction ou d’occultation des mentions couvertes par un secret protégé, tel que le secret de la vie privée, préalablement à la communication du document demandé. La commission estime donc que les lettres de candidature des personnes effectivement élues à l'académie, dont elle n'a pas pu prendre connaissance, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation des informations personnelles (telles que l’âge, le lieu et la date de naissance, la situation familiale, matrimoniale et patrimoniale, etc.) ainsi que tout élément relatif à la personnalité, l'expérience, la compétence, les préférences ou encore les choix personnels du candidat, qui pourrait figurer dans ces déclarations. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable. Elle précise enfin que si l'ampleur des occultations était telle qu'elle ferait perdre d'intérêt la communication des documents occultés, l'administration serait fondée à en refuser la communication.