Avis 20225701 Séance du 03/11/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le préfet du Pas-de-Calais à sa demande de copie, dans un format numérique ouvert et réutilisable, des documents suivants concernant le marché public ayant pour objet le nettoyage des campements de personnes exilées à Calais :
1) le montant du marché public attribué à l'entreprise X pour le nettoyage des campements de personnes exilées à Calais, par année de 2016 à 2022 ;
2) les détails financiers du marché public par année de 2016 à 2022 ;
3) les détails des missions données à l'entreprise attributaire du marché public par année de 2016 à 2022 ;
4) les propositions d'autres entreprises ayant répondu à l'appel d'offres, par année de 2016 à 2022 ;
5) les courriels, pièces envoyés ou transmises lors des échanges, et les notes prises lors de rendez‐vous entre un membre du cabinet du sous‐préfet de Calais, ou celui‐ci (ou ses prédécesseurs) et l'entreprise X, relatifs à ces marchés publics et à son exécution.
En l'absence de réponse du préfet du Pas-de-Calais à la date de sa séance, la Commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
Elle précise néanmoins que les mentions relatives à la nature des prestations ou des fournitures réalisées, figurant sur les bons de commande, sont des informations auxquelles toute personne doit pouvoir accéder librement.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
En application de ces principes, la Commission estime que les documents mentionnés au point 2) ne sont pas communicables. Elle émet donc un avis défavorable sur ce point.
Elle indique, en revanche, que les documents mentionnés aux points 1), 3) et 4), sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sous réserve, en application des principes et textes rappelés plus haut, de l'occultation des mentions dont la divulgation porterait atteinte au secret des affaires. La Commission émet donc, sous cette réserve, un avis favorable sur ces points.
En second lieu, s'agissant des documents mentionnés au point 5), la Commission rappelle qu'il résulte de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration que « sont considérés comme des documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ». Elle considère que tout ensemble cohérent d’informations, quels que soient sa forme et son support, répond à la définition d’un document administratif au sens de ces dispositions. Constituent notamment de tels documents les correspondances ainsi que les courriers électroniques émanant des autorités administratives ou de leurs services.
En l'espèce, la Commission estime que les courriels et pièces envoyés ou transmises lors des échanges, entre un membre du cabinet du sous‐préfet de Calais, ou celui‐ci (ou ses prédécesseurs) et l'entreprise X, relatifs à ces marchés publics et à son exécution, en supposant qu'ils puissent faire l'objet d'une extraction par un traitement automatisé d'usage courant, sont librement communicables en application de l'article L311-1, sous réserve de l'occultation des mentions relevant d'un secret protégé, en particulier le secret de la vie privée et le secret des affaires, protégés par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle précise qu'il en irait de même des courriers et courriers électroniques détenus ou reçus par les agents publics sur leurs terminaux professionnels. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point de la demande.
En ce qui concerne les notes de travail, également mentionnées au point 5) de la demande, la Commission rappelle qu’en application des dispositions des d), f) et g) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables les documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, ainsi qu'à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature. Par ailleurs, ne sont pas communicables aux tiers les documents dont la communication porterait une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, une atteinte au secret des affaires ou à la vie privée d'une personne, ou ferait apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, en vertu des dispositions de l'article L311-6 du même code.
Dans ces conditions et sous ces réserves, la Commission émet un avis favorable à la communication des documents mentionnés au point 5), dont elle n'a pas pu prendre connaissance.