Avis 20225558 Séance du 13/10/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande de communication, dans un format numérique, ouvert et réutilisable, des documents relatifs aux coûts liés à la présence de populations migrantes à la frontière franco‐britannique (Nord, Pas‐de‐Calais, Manche, Calvados, Seine‐Maritime), sur le même modèle que les données diffusées dans le rapport de la commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France du 10 novembre 2021 présentes à l'adresse https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cemigrants/l15b4665_rapport-enquete#_ftnref106, notamment les dépenses suivantes, par année depuis 1999 et par territoire, liées à la présence de populations migrantes à la frontière franco‐britannique : 1) permanence d'accès aux soins de santé des centres hospitaliers ; 2) secours en mer ; 3) hébergement et dispositifs humanitaires (eau, sanitaires, aide alimentaire) ; 4) mobilisation de forces de l'ordre (unités mobiles) ; 5) sécurisation des infrastructures ; 6) gardiennage, nettoyage, frais juridiques, etc. ; 7) sécurisation de sites et d’installation. La commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393). En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective. La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (Conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable. La commission relève qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a indiqué que les données sollicitées au point 4) ne peuvent être obtenues grâce à un traitement automatisé d'usage courant, la collecte de ces informations nécessitant d'effectuer des recherches longues et complexes, de solliciter différents services et enfin de croiser les données obtenues pour créer un nouveau document. Par suite, en application des principes qui ont été exposés, elle ne peut que déclarer la demande irrecevable sur ce point. La commission estime que le surplus des documents sollicités, s'ils existent ou peuvent être obtenus par un traitement automatisé d'usage courant ou extraction de base de données détenues par l'administration sans faire peser sur elle une charge déraisonnable, constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l’occultation des secrets protégés définis par ses articles L311-5 et L311-6, tenant en particulier à la sécurité des personnes, au respect de la vie privée ou, le cas échéant, au secret des affaires. La commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur le surplus de la demande et précise que si le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne détient pas un ou plusieurs des documents sollicités, il lui appartient, conformément au sixième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, de transmettre la demande ainsi que le présent avis à l'administration susceptible de les détenir afin qu'elle puisse y donner suite, et d'en informer le demandeur.