Avis 20225531 Séance du 03/11/2022
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre des armées à sa demande de communication d'une copie originale, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche personnelle, de l'intégralité des documents contenus dans le dossier militaire de son père, Monsieur X, matricule X, conservé par le centre des archives militaires, caserne Bernadotte à Pau.
La commission rappelle que par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, selon le 2° du I de cet article, les documents dont la communication porte atteinte au secret médical ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, porté à cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause, si la date du décès n'est pas connue. En outre, selon le 3° du I du même article, les documents qui comportent des informations dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l'espèce, la commission relève que le dossier sollicité par Monsieur X est couvert par les délais de protection mentionnés à l’article L213-2 du code du patrimoine, de sorte qu'une autorisation d’accès par dérogation doit être accordée par la direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des Armées. Elle rappelle, en outre, que l’administration est tenue d’apporter une réponse aux demandes d’accès par dérogation aux délais légaux de communicabilité des archives publiques dans un délai de deux mois, comme le précise l’article L213-3 du code du patrimoine, à l’échéance duquel le silence vaut refus.
En l'espèce, la commission relève que le délai de deux mois imparti à l'autorité administrative a expiré. Elle prend toutefois note du retard accumulé dans le traitement des demandes en raison de la crise sanitaire. Elle relève, en outre, que le ministre des armées lui a indiqué que la procédure d’instruction, ouverte en avril 2022, est en cours, une fiche d'analyse devant être adressée à la direction de la mémoire, de la culture et des archives, chargée de donner son accord, avec ou sans restriction, à la reproduction du dossier demandé.
Dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu des diligences effectuées par l'administration, et alors, en outre, qu'elle ne dispose pas des éléments d'information lui permettant d'apprécier si la communication du dossier demandé par anticipation serait en l'espèce de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, la commission considère que la demande de Monsieur X ne peut être regardée comme ayant fait l'objet d'un refus. Elle estime opportun de considérer que le refus de communication n'est, à ce stade, pas établi.
La commission déclare dès lors, en l'état, la demande d'avis irrecevable.
Elle recommande en revanche à l'autorité saisie d’achever au plus tôt l’instruction de cette demande, une absence de réponse de sa part dans un délai raisonnable s'assimilant à un refus.