Avis 20225341 Séance du 13/10/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 1er septembre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Savigny-sur-Orge à sa demande de copie, par courrier électronique et publication sur le site internet de la commune, en sa qualité de conseiller municipal, des grands livres budgétaires de la commune, c’est-à-dire des documents compilant l’ensemble des mandats de dépenses émis et des titres de recettes perçus par la collectivité pour les années 2019, 2020 et 2021, préalablement occultés des mentions figurant aux articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, en application des articles L311-1 et suivants de ce code. La Commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. 1. Sur le principe de la communication : En l'absence de réponse du maire de Savigny-sur-Orge à la date de sa séance, la Commission rappelle qu'il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La Commission précise que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012, le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012) ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620). La Commission estime, en l'espèce, que les documents demandés sont communicables au demandeur, sous ces réserves, en application des dispositions de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales. 2. Sur la publication en ligne : La Commission rappelle que la communication des documents sur le fondement de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, qui peut être obtenue aussi bien du maire que des services déconcentrés de l’État, intervient, non plus par consultation sur place avec délivrance de copies sous l’empire de l’article 34 du code de l’administration communale, mais dans les conditions prévues par l'article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA). La Commission précise d'une part, que cet article L311-9, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dispose notamment que : « L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : / (...) ; / 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6. ». En complément de la possibilité de demander la consultation ou l’envoi d’un document administratif sous format papier ou numérique, la loi sur une République numérique a désormais introduit une quatrième modalité de communication par la mise en ligne sur internet du document sollicité. La Commission rappelle, d'autre part, que l’article L312-1 du CRPA prévoit que les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou reçoivent. Le législateur leur a par ailleurs imposé l’obligation de publier en ligne certaines catégories particulières de documents. Le 1° de l'article L312-1-1 du CRPA prévoit ainsi que les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants et les administrations dont le nombre d'agents est supérieur à 50 équivalents temps plein doivent publier les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au titre Ier du livre III du CRPA, à condition que ces documents soient effectivement disponibles sous forme électronique. La publication en ligne de documents administratifs par l’administration ne peut toutefois s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du CRPA, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ». La Commission en déduit qu'avant de procéder à la publication en ligne de documents, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que ceux-ci ne comportent ni mention couverte par le secret - auquel cas elles devront être occultées -, ni données à caractère personnel - auquel cas ces documents ne pourront être publiés que dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article L312-1-2 du CRPA précédemment mentionné -. 3. Sur la charge pesant sur l'administration : La Commission relève que le Conseil d’État, s'agissant d'une demande de communication des « grands livres budgétaires » d’un département au titre des années 2015 à 2017 formulée par un particulier souhaitant disposer de la liste des mandats de dépenses et des titres de recettes émis par le département, fichiers constitués en l’espèce sous la forme de six tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, a jugé, dans une décision n° 451627 du 27 septembre 2022 « Association Mormal Forêt Agir », que : 1) A chacune de ces opérations comptables peuvent être associés des tiers, tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département. Il ne revient pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées au titre de l’article L.311-6 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition. 2) Dans les circonstances de l’espèce, les documents sollicités pouvaient néanmoins être communiqués après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation », tout en conservant un intérêt pour la personne ayant sollicité leur communication. La Commission en déduit que la communication de grands livres comptables, dès lors qu'ils comprennent un nombre très important de données devant être vérifiées en vue d'une éventuelle occultation, ne saurait intervenir que dans les conditions rappelées au 2) précité, si de telles modalités paraissent possible et ne privent pas d'intérêt la communication des documents sollicités. La Commission émet donc, sous les réserves et conditions susmentionnées, un avis favorable à la demande.