Conseil 20225080 Séance du 13/10/2022

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 13 octobre 2022, votre demande de conseil relative au caractère communicable à un tiers non concerné par le litige, d'un bulletin d'échec à la conciliation communiqué par le conciliateur de justice du tribunal de proximité. La commission vous rappelle qu'aux termes de l'article 128 du code de procédure civile, « Les parties peuvent se concilier, d'elles-mêmes ou à l'initiative du juge, tout au long de l'instance. », et que l'article 129 de ce code précise que « La conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu'il fixe. / Le juge qui doit procéder à une tentative préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui les informera sur l'objet et le déroulement de la conciliation, dans les conditions prévues par l'article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995. » La commission vous rappelle également qu'aux termes de l'article 129-2 du même code : « Lorsque le juge, en vertu d'une disposition particulière, délègue sa mission de conciliation, il désigne un conciliateur de justice à cet effet, fixe la durée de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée. » et de l'article 129-5 : « Le conciliateur de justice tient le juge informé des difficultés qu'il rencontre dans l'accomplissement de sa mission, ainsi que de la réussite ou de l'échec de la conciliation. / (...) ». L'article 130 dispose que « La teneur de l'accord, même partiel, est consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice. » Elle précise, s'agissant des dispositions particulières à la juridiction de proximité, qu'aux termes de l'article 821 du même code : « Le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation. », de son article 822 : « En cas d'échec de la tentative de conciliation, le conciliateur de justice en informe le juge en précisant la date de la réunion à l'issue de laquelle il a constaté cet échec. » et de son article 824 : « La demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties est transmise au juge par le conciliateur. Une copie du constat y est jointe. ». L'article 26 précise que « En cas d'échec total ou partiel de la tentative préalable de conciliation, le demandeur peut saisir la juridiction aux fins de jugement de tout ou partie de ses prétentions initiales. » La commission estime que l'accord, consigné dans un procès-verbal ou un constat, de même que le bulletin d'échec de la conciliation, sont détachables de la fonction de juger et donc de la phase juridictionnelle qu’elle tend à éviter. Elle souligne qu'elle en a estimé de même s'agissant d'un protocole transactionnel (avis de partie II n° 20212746 du 23 septembre 2021). La commission souligne en outre, qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (…) ». La commission souligne, ensuite, que le Conseil d'État a notamment jugé qu'un protocole transactionnel conclu par l’administration afin de prévenir ou d’éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, constituait un contrat administratif et présentait le caractère d’un document administratif au sens du code des relations entre le public et l’administration (CE, n° 403465, 18 mars 2019). La commission considère, par ailleurs, qu’un protocole transactionnel ayant, d’une part, pour co-contractante une des personnes mentionnées à l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration et, d’autre part, un objet en rapport direct avec l'exercice de missions de service public dont cette autorité est investie ou en relation avec la gestion du domaine privé de l’État ou d'une collectivité territoriale, revêt le caractère de document administratif au sens du code des relations entre le public et l’administration, fût-il un contrat de droit privé ayant pour objet de prévenir ou d’éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction judiciaire (avis de partie II n° 20212746 du 23 septembre 2021). La commission estime qu'il en va de même d'un accord ou d'un bulletin d'échec d'une conciliation. La commission observe, cependant, que le bulletin d'échec sollicité a été élaboré dans le cadre d’une conciliation, soumise au principe de la confidentialité. Elle relève, en ce sens, que l'article 129-4 du code de procédure civile dispose que « Les constatations du conciliateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties ni, en tout état de cause, dans une autre instance. » et que l'article 129-5 du même code prévoit une simple information du juge quant à l'issue de la mission de conciliation. Elle relève également qu'aux termes de l'article 8 du décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice : « Lors de sa première nomination aux fonctions de conciliateurs de justice, celui-ci prête devant la cour d'appel le serment suivant : « Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent », au nombre desquelles figure une obligation de confidentialité, ainsi que le rappelle la circulaire du 24 janvier 2011 relative à la présentation du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale. La commission estime que cette confidentialité imposée par le législateur, qui constitue un principe directeur des processus de conciliation, indispensable pour garantir la transparence et la confiance des personnes y ayant recours et, par suite, l’effectivité de ce mode alternatif de règlement des différends, doit être regardée comme un secret protégé par la loi au sens du h) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration (à rapprocher pour une médiation administrative de l’avis n° 20202442 du 8 octobre 2020 ; pour l'arbitrage de l'avis n° 20212746 du 23 septembre 2021). La commission en déduit que le bulletin d'échec demandé, document administratif non détachable d’un processus de conciliation initié devant le tribunal de proximité, n’est pas communicable à un tiers sur le fondement des dispositions du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration.