Avis 20224987 Séance du 13/10/2022
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 juillet 2022, à la suite du refus opposé par la ministre de la santé et de la prévention à sa demande de communication, par courriel, des documents suivants relatifs aux conditions de création du Health Data Hub et aux contrats de conseils passés dans le cadre de celle-ci :
1) l’ensemble des correspondances (courriers, courriels, ou autres) reçus ou envoyés par la ministre de la Santé et des Solidarités, Madame X et son cabinet, mentionnant le Health Data Hub, au cours de la période de préfiguration de celui-ci, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 ;
2) l’ensemble des correspondances (courriers, courriels ou autres) reçus ou envoyés par Madame X, X mentionnant le Health Data Hub, au cours de la période de préfiguration de celui-ci, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 ;
3) la liste des marchés publics confiées par le ministère de la Santé et/ou le Health Data Hub aux différentes filiales du groupe X portant sur le Health Data Hub, entre le 1er janvier 2018 et le 30 mai 2022 ;
4) les différents documents relatifs à ces prestations respectives, dès lors qu’ils existent : accords-cadres, offres déposées, actes d’engagement, bons de commande, rapports d'analyse des offres, mais aussi tout autre document contractuel établi entre X et le commanditaire, ainsi que les documents relatifs à l'évaluation des prestations ou tout autres documents assimilé ;
5) l'ensemble des « livrables » produits par X dans le cadre de ces marchés ;
6) l’ensemble des correspondances (courriers, courriels ou autres) échangés entre la ministre de la Santé et des Solidarités, Madame X et son cabinet, ou Madame X, X puis X, d’une part, et tout employé ou représentant de X d’autre part, au sujet du Health Data Hub, entre le 1er janvier 2018 et le 30 mai 2022 ;
7) l’ensemble des correspondances (courriers, courriels ou autres) échangés entre la ministre de la Santé et des Solidarités, Madame X et son cabinet, ou Madame X, X puis X, d’une part, et tout employé ou représentant d’X, de X, ou de leur société commune X, d’autre part, au sujet du Health Data Hub, entre le 1er janvier 2018 et le 30 mai 2022 ;
8) l’ensemble des correspondances (courriers, courriels ou autres) reçus ou envoyés par la ministre de la Santé et des Solidarités, Madame X, puis son successeur Monsieur X, et leurs cabinets respectifs, ou Madame X, X puis X, qui mentionnent X ou X ou X ou la société X, ainsi que le Health Data Hub, entre le 1er janvier 2018 et le 30 mai 2022.
1. En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été transmise, le ministre de la santé et de la prévention a informé la commission que la messagerie électronique de Madame X dans le cadre de ses fonctions à la DREES n'a pas été conservée, conformément à la politique ministérielle de gestion des outils numériques mis à la disposition des personnels. La commission ne peut, dès lors, que déclarer le point 2) de la demande sans objet, ainsi que les points 6), 7) et 8) dans la mesure où ils concernent les correspondances envoyées ou reçues par Madame X en tant que membre de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
2. En deuxième lieu, s'agissant du point 1), le ministre de la santé et de la prévention a informé la commission qu'il ne détenait plus les correspondances sollicitées, celles-ci émanant du cabinet de l'ancienne ministre de la santé et ayant été versés aux Archives de France en application des dispositions des articles L211-1 et suivants du code du patrimoine. Il en va de même pour les points 6), 7) et 8) dans la mesure où ils concernent les correspondances envoyées ou reçues par la ministre de la santé et des solidarités, Madame X, puis son successeur Monsieur X, et leurs cabinets respectifs.
La commission rappelle toutefois qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Le dépôt aux archives publiques des documents administratifs communicables aux termes du présent chapitre ne fait pas obstacle au droit à communication à tout moment desdits documents. »
La commission estime que les correspondances sollicitées sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation des mentions qui porteraient atteinte, selon les termes du 2° de l'article L311-5 du même code, au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou encore à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à la demande, dans cette mesure, et prend note de ce que la demande a été transmise par le ministre de la santé et de la prévention au service interministériel des archives de France.
3. En troisième lieu, s'agissant des points 6), 7) et 8) dans la mesure où ils concernent les correspondances envoyées ou reçues par Madame X en tant que X, le ministre de la santé et de la prévention a informé la commission qu'il ne dispose pas des documents sollicités et a transmis la demande au Health Data Hub, dont la dénomination officielle est « plateforme des données de santé », et qui a été constitué sous la forme d'un groupement d'intérêt public par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
La commission estime que des correspondances telles que celles demandées sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation des mentions qui porteraient atteinte, selon les termes du 2° de l'article L311-5 du même code, au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou encore à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature.
Elle rappelle toutefois que sont irrecevables les demandes portant sur des échanges intervenus entre une ou des administrations et une autre administration ou une personne privée, lorsqu’elle sont trop imprécises quant à l'objet des documents demandés (avis n° 20216781 du 16 décembre 2021), quant à leur nature (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à l'administration et/ou ses composantes en cause (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à son ou ses interlocuteurs (avis n° 20194880 du 12 mars 2020 ; n° 20213868 du 15 juin 2021), quant au cadre d'élaboration du document (avis n° 20213868 du 15 juin 2021) ou encore quant à la période de temps visée (avis n° 20213868 du 15 juin 2021).
Elle constate qu'en l'espèce, la messagerie de Madame X comporte plus de 36 000 courriels dont de très nombreux échanges avec les sociétés mentionnées dans la demande. Elle relève également que tous les courriels professionnels envoyés par Madame X concernent par nature le Health Data Hub.
Elle estime, par suite, faute de plus amples précisions, irrecevable la demande dans cette mesure, et ne peut qu'inviter Monsieur X à répondre favorablement aux propositions effectuées par le Health Data Hub de nature à répondre au mieux à sa demande.
4. En quatrième lieu, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur le point 3) de la demande de Monsieur X, qui porte en réalité sur un renseignement, et non sur la communication d'un document existant.
5. En cinquième lieu, s'agissant du point 4) de la demande, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres), les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
La commission émet en conséquence, un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 4), sous réserve de l'occultation des mentions couvertes par le secret des affaires, et prend note de l'intention exprimée par le ministre de la santé et de la prévention et le Health Data Hub d'y procéder.
6. En dernier lieu, s'agissant du point 5), la commission rappelle que les documents remis par l’attributaire d’un marché public dans le cadre de l’exécution du contrat sont des documents administratifs communicables au sens des articles L300-2 et L311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
Le ministre de la santé et de la prévention a informé la commission que compte tenu des missions attribuées à X, qui intervient en régie en dépêchant des consultants au sein des équipes du Health Data Hub qui participent à l’activité quotidienne de l’organisme, l’exécution de ce marché n’implique pas de production de livrables précis tels que des rapports, intermédiaires ou conclusifs. La commission en prend note et comprend donc que la demande est sans objet sur ce point, les documents sollicités étant inexistants.
Toutefois, dans l'hypothèse où les consultants de X auraient réalisé des « livrables » destinés au Health Data Hub, quelle qu'en soit la forme, ces documents seraient communicables sous réserve de l'occultation des éventuelles mentions qui révèleraient un secret protégé par la loi en application des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, et sous réserve qu'ils ne présentent pas un caractère préparatoire.