Avis 20224833 Séance du 03/11/2022
Monsieur X, pour l'association X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 juin 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Montcombroux-les-Mines à sa demande de communication par mail, en version dématérialisée, des documents suivants de la commune pour l'année 2021 :
1) le grand livre comptable de recettes et de dépenses en fonctionnement et investissement ;
2) le compte administratif du budget principal.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Montcombroux-les-Mines a informé la Commission que les documents sollicités ont été transmis au demandeur par courriel du 8 août 2022. Au soutien de son propos, il a produit le courriel de transmission ainsi que les documents communiqués. La Commission en prend note et déclare, par suite, la demande d'avis sans objet en son point 2).
Elle relève, en revanche, que la communication du grand livre de comptes, mentionné au point 1), ne satisfait pas le demandeur eu égard aux occultations des mentions relatives aux tiers et aux agents auxquelles l'administration a procédé préalablement à cette transmission. La demande conserve donc, dans cette mesure, son objet.
1. Principe de communication du grand livre de comptes :
La Commission rappelle qu'il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La Commission précise que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE, 10 mars 2010, n° 303814 ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
La Commission estime que le grand livre de comptes entre dans le champ d'application des documents administratifs communicables en application de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, sous réserve de l’occultation préalable des mentions couvertes par un de ces secrets protégés (CE, 27 septembre 2022, n° 452614).
Elle précise , à cet égard, que si les noms et prénoms d'une personne physique sont des données à caractère personnel, ces mentions ne sont, en elles-mêmes, pas protégées par le secret de la vie privée. Elle en déduit, s'agissant du grand libre de compte, que ces données ne doivent en principe être occultées qu'au cas par cas, si, par recoupement avec les autres informations du document, elles sont de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical des personnes intéressés, ou si elles révèlent une appréciation ou un jugement de valeur d'ordre individuel sur ces personnes ou encore si elles font apparaître de leur part un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice.
En application de ces principes, la Commission a par exemple considéré que les mentions du grand livre de comptes relatives aux frais de déplacement du personnel ou aux rémunérations versées aux agents, ne relèvent en elles-même pas d'un secret protégé et peuvent, dès lors, être intégralement communiquées aux tiers (conseil n° 20215036, du 4 novembre 2021 ; avis n° 20191375, du 18 juillet 2019). En revanche, elle estime de manière constante que l'identité des agents mentionnée dans l'article relatif à la médecine du travail et aux frais médicaux doit être occultée au titre du secret médical (mêmes avis). Elle considère, de façon plus générale, que lorsque le nom d'un tiers est associé à une opération comptable, ces données identifiante doivent être occultées, dès lors que leur divulgation à un tiers est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Tel est le cas, par exemple, des bénéficiaires d'une aide ou d'une allocation ou des personnes redevables d'un trop-perçu.
La Commission rappelle ensuite qu'en vertu de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication d'occulter ou de disjoindre chacune des mentions couvertes par un secret protégé, préalablement à la communication d'un document librement communicable à toute personne, à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas de sens le document ou d'intérêt la communication.
Elle relève, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n° 452614, le Conseil d’État a estimé, s'agissant d'une demande de communication des fichiers de comptabilisation des titres de recettes et mandats de paiement émis par un département au titre de trois années, se présentant sous la forme de tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, que ces documents pouvaient être communiqués à des tiers après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation ». Après avoir relevé que des tiers pouvaient être associés à chaque opération comptables tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département, le Conseil d’État a estimé qu'il ne revenait pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées, cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition.
La Commission estime que cette solution, qui déroge au principe de l'occultation des seules mentions protégées, doit être interprétée strictement. Il revient en conséquence à l’administration d’apprécier concrètement, compte tenu des circonstances de l’espèce, si le volume et le contenu du grand livre de comptes demandé justifient la suppression de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables. Ce n’est ainsi qu’au cas par cas qu'une telle disjonction pourra être réalisée.
2. Application au cas d'espèce :
En l'espèce, il n'apparaît pas à la Commission que la demande de communication soulèverait des difficultés de traitement pour la commune de Montcombroux-les-Mines justifiant l'occultation de l'identité de tous les tiers, débiteurs ou créditeurs. Elle estime, par suite, que ce document est communicable au demandeur sous réserve de l'occultation, au cas par cas, des seules mentions couvertes par un secret protégé par la loi.
Elle émet, par suite, un avis favorable, sous cette réserve et invite le maire à procéder au réexamen de cette demande.