Avis 20224629 Séance du 22/09/2022
Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général du centre national d'enseignement à distance à sa demande de communication des documents suivants relatifs aux différents marchés conclus depuis 2014 par le CNED portant sur les prestations d'hébergement, d'infogérance et de tierce maintenance applicative de ses plateformes Moodle (notamment les marchés conclus avec la société X puis, en dernier lieu, les marchés référencés n° X, n° X et n° X) :
1) s'agissant des pièces constitutives de ces marchés, dans leur version signée par le CNED et leur titulaire, notamment :
a) le cahier des clauses particulières (CCP) valant acte d'engagement ;
b) le cahier des clauses particulières (CCP) valant acte d’engagement des marchés subséquents (le cas échéant) ;
2) s'agissant des pièces établies par le Cned après remise des candidatures et des offres pour chacun de ces marchés :
a) le procès-verbal d’ouverture des candidatures et des offres ou, à défaut, le nom des candidats ayant déposé une offre ;
b) le rapport d’analyse des offres, les éléments de notation et de classement ;
c) le rapport de présentation ;
d) les échanges avec les candidats lors de l'éventuelle négociation ;
3) s'agissant des pièces relatives aux candidatures et aux offres déposées pour l'attribution de ces marchés :
a) le dossier de candidature de l'attributaire, comprenant la lettre de candidature et la déclaration du candidat (formulaires DC1 et DC2) ;
b) l'offre de prix globale de l'attributaire et des entreprises non retenues ;
4) s'agissant des pièces relatives à l'exécution de ces marchés :
a) les bons de commandes ;
b) les avenants ;
c) les actes de sous-traitance (formulaire DC4) ;
5) l’ensemble des pièces constitutives du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société X, comprenant notamment :
a) les commandes adressées par le CNED à l'UGAP ;
b) le prix global de l’offre des prestataires en cause ;
c) le détail des prestations proposées par ces derniers,
d) l'identité de leurs éventuels sous-traitants et les actes de sous-traitance correspondants ;
e) la version finale du cahier des charges contenant l'expression de besoin du CNED.
En premier lieu, la Commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables..
En application de ces principes, la Commission émet un avis favorable à la communication des documents visés aux points 1) a), 1) b), 2) a) à c), 3) b), 4) a) et b), 5) a) et b), et 5) e) , sous la réserve rappelée conduisant à occulter les mentions protégées par le secret des affaires.
Elle émet en revanche un avis défavorable au point 5) c) de la demande.
La Commission considère, en second lieu, que les documents mentionnés au point 3) a), en tant seulement qu’ils concernent l’attributaire, sont également librement communicables aux tiers, sous la réserve tenant au secret des affaires et, le cas échéant (extrait K-Bis notamment), au secret de la vie privée.
En troisième lieu, s’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012 et avis n° 20221914 du 12 mai 2022). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables.
La commission émet, dès lors, un avis défavorable sur le point 2) d) de la demande.
En quatrième et dernier lieu, la Commission rappelle qu'en application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, les sous-traitants doivent être agréés par le maître d'ouvrage pour bénéficier d'un droit au paiement direct. En l'absence de cet agrément, les actes de sous-traitance et quitus des sous-traitants relèvent uniquement des relations commerciales entre deux entreprises privées. Le code des relations entre le public et l’administration s'applique, en revanche, aux demandes de communication de tels actes lorsque la sous-traitance a fait l'objet d'un agrément. Dans cette seconde hypothèse, les actes de sous-traitance ou le formulaire DC4 sont librement communicables dans les conditions précédemment rappelées liées au secret des affaires applicables à l’entreprise attributaire.
Elle émet donc un avis favorable aux points 4) c) et 5) d) de la demande, sous la réserve susmentionnée conduisant à occulter les mentions protégées par le secret des affaires.