Avis 20224418 Séance du 08/09/2022

Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Saleux à sa demande de communication, pour sa cliente conseillère municipale de la commune de Saleux, d'une copie des documents suivants : 1) les documents comptables des années 2019 et 2020 (le détail du compte et les factures afférentes) ; 2) le dossier de la nouvelle école maternelle, notamment les plans et les documents financiers afférents ; 3) le registre de location des salles communales, tenu par le régisseur Madame X ; 4) le dossier des appels d’offres par la mairie ; 5) les contrats de maintenance en vigueur pour les installations et les équipements de la commune ; 6) le compte administratif 2021 en cours ; 7) les éléments relatifs au budget supplémentaire 2021 ; 8) les devis, factures, bons et tickets de caisse payés pendant la période comprise entre le 1er mars 2020 et la fin novembre 2021 ; 9) le registre de location des salles pour les années 2020 et 2021. La Commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Saleux a indiqué à la Commission, premièrement, que les documents sollicités aux points 6) et 7) ne sont pas achevés, deuxièmement, que la demande visée au point 8) est imprécise, troisièmement, qu'aucune demande n'a été présentée s'agissant des points 1), 2), 4) et 5), et, quatrièmement, que le registre sollicité au point 9) a été communiqué. En premier lieu, s'agissant du refus non établi évoqué par la commune, la Commission relève que le courrier adressé le 3 juin 2022 par Maître X au maire de Saleux sollicite expressément la communication de l'ensemble des documents objets de la saisine de CADA, et vise notamment les points 1), 2), 4) et 5). Par suite, la demande doit être considérée comme recevable sur ces points. En second lieu, la Commission relève que les points 1) à 5) de la présente saisine sont similaires à une précédente saisine de Madame X ayant donné lieu à un avis n° 20200620 du 10 septembre 2020. La Commission ne peut que confirmer et réitérer le sens de cet avis. La Commission rappelle ainsi, s’agissant des documents sollicités au point 1), qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes telles les factures, sont communicables à toute personne qui en fait la demande. La Commission émet dès lors un avis favorable à la communication de ces documents. La Commission estime également, s'agissant des documents mentionnés aux points 2) et 3) de la demande, que ces documents administratifs sont communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation préalable, s’agissant du point 2), des informations couvertes par le secret des affaires dans les conditions définies pour les points 4) et 5) dans la mesure où les travaux font l’objet de marchés publics et, s'agissant du point 3), de l'occultation préalable des informations éventuellement couvertes par le secret de la vie privée des personnes ayant loué les salles communales (adresse personnelle et coordonnées bancaires par exemple). Elle émet donc un avis favorable, sous ces réserves. Enfin, s’agissant des documents sollicités aux points 4) et 5) de la demande, la Commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan », n° 375529, que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. Elle émet dès lors, sous ces réserves, un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 4) et 5). En troisième lieu, s'agissant des points 6) et 7) de la demande, la Commission prend note de ce que le document est en cours d'élaboration et revêt, dès lors, un caractère inachevé à ce stade. Elle émet, par conséquent, un avis défavorable sur ces deux points, tout en rappelant qu’une fois achevés, ces documents seront communicables en application de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales. En quatrième lieu, s’agissant du point 8), la Commission rappelle que la demande de communication de documents administratifs doit être suffisamment précise pour permettre à l'administration d'identifier clairement le ou les documents souhaités, sans l'obliger à procéder à des recherches. En effet, le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux administrations de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE, 27 sept. 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, req. n° 56543, Lebon 267. - CE, 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, req. n° 83477). En l'espèce, la Commission estime que la demande de Maître X qui vise, pour une période courant du 1er mars 2020 à fin novembre 2021, des documents dont la nature est clairement précisée (devis, factures, bons et tickets de caisse), est suffisamment précise pour permettre au maire de Saleux de les identifier. La Commission précise que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE, 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012) ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620 ; conseil n° 20221455 et avis n° 1246 du 21 avril 2022). En cinquième et dernier lieu, s'agissant du point 9) de la demande, la Commission prend note de ce que la consultation sur place de ce document avait été proposée à Madame X mais relève que la demande porte non sur une consultation, mais sur l'envoi d'une copie des documents. A cet égard, elle souligne que, hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication. En revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. La Commission en déduit que si la demande porte sur une copie de documents volumineux que l’administration n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, celle-ci peut inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Si le demandeur maintient son souhait de recevoir copie des documents, et que la reproduction des documents n’excède pas les possibilités techniques et les moyens de l’administration, celle-ci est fondée à en échelonner l’envoi dans le temps. Elle doit alors en aviser l’intéressé et, dans la mesure du possible, convenir avec lui d’un échéancier de communication. Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu. En l'espèce, la Commission précise à cet égard qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document, soit par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6 du même code. La Commission précise que les frais autres que le coût de l'envoi postal ne peuvent excéder des montants définis par l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001, à savoir, dans le cas de copies réalisées sur support papier, 0,18 euro la page en format A4. Ces dispositions s'appliquent aussi bien aux collectivités territoriales qu'à l'État et à ses établissements publics. Elle émet donc, dans cette mesure, un avis favorable sur le point 9) de la demande.