Avis 20224020 Séance du 21/07/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 juin 2022, à la suite du refus opposé par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères à sa demande de communication des listes d'émargement relatives aux élections du 19 juin 2022 dans la circonscription de Pondichéry (2ème circonscription de l'Inde), par délivrance d'une copie, alors que le consulat de France à Pondichéry ne propose qu'une consultation sur place.
En l'absence de réponse de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères à la date de sa séance, la Commission rappelle que la communication des listes d'émargement est régie par les dispositions du dernier alinéa de l'article L68 du code électoral, selon lequel « les listes d'émargement déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture sont communiquées à tout électeur requérant pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin, soit à la préfecture ou à la sous-préfecture, soit à la mairie ». Elle précise, en outre, que s'agissant de l'élection des conseillers des Français de l'étranger, l'article 23 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France dispose que : « Pour l'application de l'article L68 du code électoral, la transmission à la préfecture s'entend de la transmission à l'ambassade ou au poste consulaire ».
La Commission estime que ces dispositions particulières, qu’elle est compétente pour interpréter conformément au 4° de l’article L342-2 du code des relations entre le public et l’administration, font obstacle à l'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration jusqu'à l'expiration du délai de dix jours à compter de l'élection. Passé ce délai, ces documents administratifs ne sont, en tout état de cause, pas communicables sur le fondement de ce code dès lors qu'ils révèlent le choix d'électeurs nommément désignés de se rendre ou non aux urnes, choix qui relève du secret de la vie privée.
La Commission constate en l'espèce que, saisi d'une demande de communication des listes d'émargement présentée le 22 juin 2022, soit dans le délai légal de dix jours suivants les élections législatives, le consul de France à Pondichéry a invité la demanderesse à consulter les documents sur place, mais a en revanche refusé de lui en délivrer une copie.
La Commission rappelle à cet égard sa doctrine selon laquelle, en l’absence de dispositions expresses sur ce point dans le code électoral, les dispositions de l'article L311-9 s’appliquent (avis de partie II, n° 20163756, du 6 octobre 2016). Elle précise également que l'article L68 du code électoral ne mentionne nullement que le droit de communication qu'il prévoit doive être limité à la consultation sur place. La Commission en déduit que dès lors qu'il est exercé dans le délai légal, le droit d'accès aux listes d'émargement s’exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur. Elle précise que les frais autres que le coût de l'envoi postal ne peuvent excéder des montants définis par l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001, à savoir 0,18 euro la page en format A4, 1,83 euro pour une disquette et 2,75 euros pour un cédérom. L'intéressé est avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé.
En l'espèce, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que Madame X a expressément demandé la communication d'une copie des listes d'émargement dans le délai de dix jours prévu par l'article L68 du code électoral, le consulat de France à Pondichéry était tenu d'y donner suite et ne pouvait se borner à l'inviter à venir consulter ce document sur place.
Elle émet donc un avis favorable à la demande de copie des listes d'émargement présentée par Madame X.
Elle précise, à toutes fins utiles, qu'en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, une autorité administrative saisie d’une demande de communication de documents qu’elle ne détient pas, est tenue de transmettre cette demande à l’autorité susceptible de les détenir et à en aviser le demandeur.
La Commission rappelle enfin que la demanderesse, en tant que réutilisatrice des listes électorales ainsi communiquées, devra se conformer aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et du règlement général sur la protection des données (RGPD) dès lors qu'il sera alors regardé comme un responsable de traitement de données à caractère personnel. Elle devra notamment s'assurer que l'usage qu'elle entend faire des listes électorales respecte les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel, les conditions de licéité d'un tel traitement et les droits des personnes concernées, définis respectivement aux articles 5, 6, 7 et au chapitre III du RGPD.