Conseil 20223524 Séance du 07/07/2022
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 7 juillet 2022 votre demande de clarification de l'avis n° 20217524 rendu sur le fondement des articles L213-2 du code du patrimoine, L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et L1111-7 du code de la santé publique alors qu'il s'agissait d'une demande d'accès par dérogation formulée en application de l'article L213-3 du code du patrimoine.
La commission relève que dans son avis n° 20217524, du 31 mars 2022, elle a émis un avis défavorable à la demande de communication présentée par Monsieur X, dans le cadre de la préparation d'un article à paraître dans la revue d'érudition X, du dossier administratif de carrière d'X né en X, X, conservé aux Archives nationales sous la cote :
- 20030239/6 (Bureau des personnels de conservation, de documentation, de recherche et d'enseignement -- ministère de la Culture et de la Communication)
Dossiers de carrière de conservateurs du patrimoine. Dossier d'X, né en X. EXTRAIT.
La commission a relevé, d’une part, que les délais prévus à l’article L213-2 du code du patrimoine n'étaient pas encore échus et estimé, d’autre part, que le demandeur ne disposait d’aucun droit à la communication de ces documents au titre des articles L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et L1111-7 du code de la santé publique. Ce faisant, elle s’est méprise sur la portée de la demande, présentée sur le fondement de l’article L213-3 du code du patrimoine, qui a précisément pour but de permettre aux tiers d’accéder aux documents non librement communicables.
Ces dispositions auraient dû la conduire, pour apprécier l'opportunité d'une consultation anticipée, à mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II n° 20050939 du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
La commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n° 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégées par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger (avis de partie II n° 20215602 du 4 novembre 2021).
La commission rappelle, à cet égard et d’une part, que l'exercice du droit d’accès aux documents administratifs, garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020). Il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
La commission précise, d’autre part, que si l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’accorde pas un droit d’accès à toutes les informations détenues par une autorité publique ni n’obligent l’État à les communiquer, il peut en résulter un droit d’accès à des informations détenues par une autorité publique lorsque l’accès à ces informations est déterminant pour l’exercice du droit à la liberté d’expression et, en particulier, à la liberté de recevoir et de communiquer des informations, selon la nature des informations demandées, leur disponibilité, le but poursuivi par le demandeur et son rôle dans la réception et la communication au public d’informations. Dans cette hypothèse, le refus de fournir les informations demandées constitue une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression qui, pour être justifiée, doit être prévue par la loi, poursuivre un des buts légitimes mentionnés au point 2 de l’article 10 et être strictement nécessaire et proportionnée.
Comme l’a indiqué le Conseil d’État dans sa décision d’Assemblée précitée, la commission estime, en conséquence, que l'intérêt légitime du demandeur doit être apprécié à la lumière de ces deux textes, au vu de la démarche qu'il entreprend et du but qu'il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d'archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu'ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d'une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, en particulier au secret des délibérations du pouvoir exécutif, à la protection qu'appellent la conduite des relations extérieures et la défense des intérêts fondamentaux de l’État ou encore à la sécurité des personnes. La pesée de l'un et des autres s’effectuent en tenant compte notamment de l'effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l'écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l'objet d'une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
Pour la demande d'avis enregistre sous le n° 20217524, la commission relève que la démarche de Monsieur X, chercheur rattaché au CNRS, s’inscrit dans la cadre de la rédaction d’un article à paraître dans la X, consacré aux « chartistes » ayant exercé leur fonction à la direction X. Elle constate, en outre, que le demandeur a signé un engagement de réserve de ne publier aucune information portant atteinte à la vie privée de la personne intéressée figurant dans le dossier.
Toutefois, elle relève également que ce dossier comporte des informations médicales sur une personne nommément désignée et encore en vie, qui ne sont pas isolées, ni ne peuvent être aisément extraites, et ne sont, à ce stade, pas encore librement communicables. Elle comprend, en outre, que ces informations ont eu un impact sur la carrière de l’intéressé.
Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime donc qu’en dépit de l’intérêt légitime du demandeur, la communication par anticipation aux délais légaux de communicabilité est, à ce jour, de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, en particulier le secret médical.
Elle aurait donc, en toute hypothèse, émis un avis défavorable à la demande de Monsieur X.