Avis 20223390 Séance du 23/06/2022

Maître X, conseil de l'association X et de l'institut X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 mai 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur à sa demande de communication, à ses clients, si besoin après anonymisation, des documents suivants : 1) les fiches d’information transmises à la MIVILUDES - notamment par les associations UNADFI (union nationale des associations de défense des Familles et de l'individu) ou encore ADFI (association pour la défense des familles et de l'individu) et CCMM (centre contre les manipulations mentales) - et désormais détenues par elle concernant ses clients ou encore le mouvement X ; 2) les notes et dossiers rédigés par la MIVILUDES concernant ses clients ou encore le mouvement X ; 3) les saisines enregistrées par la MIVILUDES sur son site Internet (c’est à dire les demandes d’informations, les signalements et les témoignages) concernant ses clients et le mouvement X ; 4) les saisines reçues par courrier et enregistrées par la MIVILUDES concernant ses clients et le mouvement X ; 5) les fiches constituées par la MIVILUDES sur la base de ces saisines concernant ses clients et le mouvement X ; 6) les signalements reçus par le ministère de l’intérieur sur son site concernant ses clients et le mouvement X ; 7) les fiches constituées par le ministère de l’intérieur concernant ses clients et le mouvement X. La Commission comprend, des observations produites par le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, que les documents visés aux points 1), 2) et 5) sont inexistants. Elle ne peut que déclarer sans objet la demande sur ces points. Si, s'agissant des points 6) et 7), le secrétaire général indique que la MIVILUDES ne dispose pas de signalement ou de fiche transmis par le ministère de l'intérieur concernant l'association X, l'Institut X et le mouvement X, la Commission ne saurait pour autant nécessairement en déduire, au vu de ces seules indications, que des signalements et fiches non transmis n'existeraient pas. Elle constate donc que la demande conserve un objet sur ces points. S'agissant des points 3) et 4) de la demande, la Commission rappelle à titre liminaire que les documents produits ou reçus par la MIVILUDES dans le cadre de sa mission de service public constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même des documents reçus ou établis par le ministère de l'intérieur et visés aux points 6) et 7) de la demande. Elle précise à cet égard, ainsi que l’a jugé le Conseil d’État dans une décision du 22 février 2013 (n° 337987, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France), que la communication de tels documents ne peut être refusée au seul motif que, compte tenu de la mission de la MIVILUDES, cette communication méconnaîtrait les dispositions de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, mais qu’il convient de rechercher si, en raison des informations qu'ils contiendraient, la divulgation de ces documents risquerait de porter atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes et si une communication partielle, ou après occultation de certaines informations, serait, le cas échéant, possible. La Commission estime qu'un même raisonnement doit être tenu s'agissant des signalements et fiches constituées par le ministère de l'intérieur. La Commission rappelle également qu'aux termes de l'article L311-5, ne sont pas communicables les documents dont la divulgation porterait atteinte : « (...) / f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ; / g) A la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature ; / (...) ». Elle rappelle aussi qu'en application de l'article L311-6 du même code, ne sont communicables qu'aux intéressés les mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée et au secret médical, ainsi que celles qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou font apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Elle considère notamment que, sur ce fondement, les documents tels que les lettres de signalement ou de dénonciation, ainsi que les témoignages, dès lors que leur auteur est identifiable, même après anonymisation, adressés à une administration, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le signalement ou la dénonciation en question. En l'espèce, la Commission prend note des observations de l'administration mais n'a pu prendre connaissance des documents sollicités, qui ne visent d'ailleurs pas que des signalements et témoignages. Elle estime qu'ils sont communicables au demandeur, en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des éléments dont la divulgation porterait atteinte aux secrets et dispositions susmentionnés, et sous réserve que ces occultations ne dénaturent pas le sens du document concerné et ne privent pas d’intérêt leur communication. Elle souligne, à cet égard, que si Maître X est conseil de l'association X et de l'institut X, les documents sollicités relatifs au mouvement X peuvent a priori viser d'autres personnes physiques ou morales, et donc mettre en cause leur vie privée ou encore leur comportement. Elle précise également que lorsque l'ampleur des occultations à opérer en application de ces dispositions prive d'intérêt la communication du document, ce qui s'apprécie au cas par cas, l'administration est alors fondée à refuser sa communication. La Commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à ces points de la demande.