Avis 20223313 Séance du 23/06/2022
Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 mai 2022, à la suite du refus opposé par le préfet de l'Oise à sa demande de communication, à ses frais, idéalement sur support électronique, de l'entier dossier, au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), de l'installation de transit, prétraitement et valorisation de déchets industriels, exploitée à X par la société X.
La commission, qui a pris connaissance des observations du préfet de l'Oise, rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « Sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration et sans préjudice de l'article L114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. »
La commission considère, en l'espèce, eu égard à la nature des documents sollicités, que la demande est formulée pour l'accomplissement des missions de service public de X. Elle se déclare donc compétente pour traiter de la présente demande d'avis sur ce fondement.
La commission précise en deuxième lieu, que, l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (…) ».
La commission estime qu'en l'espèce, les documents relatifs à un projet tel qu'une installation de transit, prétraitement et valorisation de déchets industriels, inscrite dans la nomenclature des ICPE, contiennent des informations relatives à l'environnement, au sens de l'article L124-2 du code de l'environnement.
La commission relève qu'en vertu des articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement, lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 de ce code énumèrent limitativement les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut rejeter une demande tendant à la communication d'informations relatives à l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations. La commission souligne également qu'en vertu de l'article L124-4 de ce code, l’administration peut, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif, notamment, que sa communication porterait atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5. En vertu de ces dispositions, l’administration peut notamment, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif que sa communication ferait apparaître le comportement d’une personne physique, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice (avis CADA n° 20132830 du 24 octobre 2013). En revanche, la commission considère que cette exception, prévue au 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne peut être opposée lorsque l’information environnementale se rapporte à l’activité d’une personne morale. Cette information environnementale est, dès lors, non seulement communicable à l’intéressé mais aussi à toute autre personne qui en ferait la demande, sur le fondement des articles L124-1 et suivants du code de l’environnement, lorsqu’elle est détenue, reçue ou établie par les autorités publiques mentionnées à l'article L124-3 du code de l'environnement ou pour leur compte.
Par ailleurs, la communication des informations relatives à des émissions dans l'environnement fait l'objet de dispositions particulières, figurant au II de l'article L124-5 du même code, qui ne permettent à l'autorité publique de rejeter la demande que dans le cas où la consultation ou la communication de l'information porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou bien au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou encore à des droits de propriété intellectuelle.
La commission indique, en troisième lieu, que les documents élaborés à l’intention ou à la demande de l’autorité judiciaire revêtent un caractère judiciaire. Elle précise, toutefois, que la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte de près ou de loin à une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire (CE, 20 avril 2005, n° 265308 , inédit. – CE, 5 mai 2008, n° 309518, Lebon 177).
La commission rappelle toutefois qu’en application du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables les documents dont la consultation ou la communication « porterait atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ».
En l'espèce, la commission relève que le procureur de la République, saisi par l'autorité préfectorale, s'est opposé à la communication d'une partie des documents sollicités, en lien avec une procédure pénale en cours, au motif que cette transmission est susceptible de porter atteinte au déroulement de cette procédure. La commission en prend note et émet, en l'état des informations portées à sa connaissance, un avis défavorable à la demande dans cette mesure.
La commission estime que les autres documents, sans lien avec les investigations en cours sont, pour leur part, communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration et des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement, sous les réserves et dans les conditions rappelées ci-dessus, selon la catégorie à laquelle l'information environnementale se rattache. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.
Elle prend note de ce que l'autorité saisie a invité Maître X à préciser sa demande compte tenu du volume de documents concernés. Elle rappelle, à toutes fins utiles, que, hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication. En revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services.