Avis 20223211 Séance du 23/06/2022

Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 mai 2022, à la suite du refus opposé par le maire de la Chapelle-aux-Filtzméens à sa demande de communication des documents suivants : 1) les comptes administratifs pour le budget principal et le budget assainissement de la commune ; 2) les budgets primitifs pour ces deux mêmes budgets ; 3) le compte rendu et la convocation de la réunion du conseil municipal du 11 avril 2022 ; 4) la délibération actant le lancement de l'appel à candidature relatif à la maîtrise d’œuvre pour le projet de commerce ; 5) le rapport de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) qui a servi à prendre la délibération relative à la maîtrise d’œuvre. En premier lieu, la commission, qui a pris connaissance de la réponse du maire de la Chapelle-aux-Filtzméens, rappelle qu'il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux. » L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet en conséquence un avis favorable à la communication des documents visés aux points 1), 2) et 4) de la demande ainsi qu'à celle du compte rendu visé au point 3). Elle estime également que sont communicables, sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, la convocation visée au point 3) ainsi que le document visé au point 5) de la demande, sous réserve, s'agissant de ce dernier, qu'il ne revête plus un caractère préparatoire et après occultation ou disjonction des éventuelles mentions protégées par le secret des affaires, en application des dispositions de l'article L311-6 du même code. En deuxième lieu, s'agissant du caractère abusif de la demande, la commission précise que que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services. Ainsi les administrations ne sont-elles pas tenues de répondre aux demandes abusives, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623). La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que dans un avis n° 20220207, du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620). En l'espèce, la commission prend note du caractère dégradé des relations existant entre la commune et le demandeur. Elle estime toutefois que la présente demande ne présente pas un caractère abusif dès lors qu'elle ne porte que sur un nombre relativement limité de documents courant sur deux années et ce, alors même que la commune ne disposerait que d'un personnel restreint et que les documents seraient librement consultables en mairie. En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne les modalités de communication, la commission rappelle qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur. La commission souligne également qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Ces frais sont calculés conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001. L'intéressé doit être avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé. Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu. La commission rappelle enfin que, dans le cas de demandes de communication nécessitant des opérations lourdes pour l'administration, celle-ci est fondée à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. La commission estime que les documents sollicités sont communicables au demandeur sous format numérique, à condition qu’ils soient effectivement disponibles sous ce format. Alternativement, cette dernière pourra être invitée à venir consulter les documents sur place. En cas de refus de sa part, elle sera en droit d’obtenir une copie des documents sous format papier, après acquittement préalable des frais de reproduction.