Avis 20223158 Séance du 07/07/2022
Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 mai 2022, à la suite du refus opposé par le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées à sa demande de copie, par courrier électronique, des documents suivants concernant les missions relatives au projet des « 1 000 premiers jours de l’enfant » confiées par le ministère de la santé (plus précisément le cabinet du secrétaire d’’État à l’enfance X X) à la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et au cabinet Roland BERGER :
1) la lettre de mission envoyée par le cabinet du secrétaire d’État à l’enfance X X à la DITP dans le cadre du projet des « 1 000 premiers jours de l’enfant » ;
2) tous les échanges (courriels, lettres, etc.) entre le cabinet d’X X et la DITP concernant cette mission à partir du 1er janvier 2019 ;
3) tous les échanges (courriels, lettres, etc.) entre le cabinet d’X X et le cabinet Roland BERGER concernant le projet susmentionné à partir du 1er janvier 2019 ;
4) l’ensemble des productions (livrables) transmises par la DITP ou Roland BERGER au cabinet d’X X concernant le projet susmentionné à partir du 1er janvier 2019 ;
5) l’ensemble des échanges (courriels, lettres etc.) entre le cabinet d’X X et les services de l’Elysée ou du Premier ministre évoquant la mission sur les « 1 000 premiers jours de l’enfant » ou le travail de la commission CYRULNIK à partir du 1er janvier 2019.
A titre liminaire, la Commission rappelle qu'aux termes des 1er et 2e alinéas de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». En application de ces dispositions, la Commission distingue ainsi deux types de documents :
- les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent être communiqués en l'état. Seul le document achevé sera communicable, le cas échéant.
- les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent.
En l'absence de réponse du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées à la date de sa séance, la Commission estime en premier lieu que les documents mentionnés aux points 1) et 4) constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, à la condition qu'ils soient achevés, ne revêtent pas de caractère préparatoire et sous réserve de l'occultation éventuelle des mentions protégées par les article L311-5 et L311-6 de ce code, notamment celles couvertes par le secret des affaires, la vie privée, ou portant un jugement de valeur ou une appréciation sur un tiers ou révélant le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice.
En second lieu, s'agissant des points 2), 3) et 5), la Commission précise qu'il résulte de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration que « sont considérés comme des documents administratifs (…) les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission » et que constituent notamment de tels documents les correspondances émanant de ces autorités ou de leurs services.
La Commission en déduit qu'une lettre ou un message électronique ayant trait à une mission de service public dont une autorité administrative a la charge, produit ou reçu par cette autorité, revêt le caractère d'un document administratif, au sens de ces dispositions, et entre dans le champ du droit d'accès garanti par l'article L311-1 du même code.
Elle souligne que la circonstance qu'un message électronique est émis ou reçu sur une adresse de messagerie personnelle privée ne permet pas, par elle-même, de le soustraire au droit d'accès aux documents administratifs régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La Commission considère, en effet, que ces messages, dès lors qu'ils sont produits ou reçus dans le cadre des missions de service public exercées et des compétences détenues à ce titre, constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicables sur le fondement de ce code. Les messages émis ou reçus sur une adresse de messagerie personnelle privée n'ayant cependant pas vocation, en principe, à relever du droit d'accès aux documents administratifs, à la différence des messages émis ou reçus sur les messageries mises à disposition des élus ou agents par leur administration, il appartient au demandeur qui souhaite en obtenir communication de le préciser dans sa demande en indiquant les raisons qui lui font présumer leur existence.
La Commission précise, enfin, que ne sauraient faire obstacle à l'exercice de ce droit d'accès ni la protection de la vie privée ni le secret des correspondances, qui ne sont pas en cause s'agissant d'une demande de communication portant sur des documents communicables à toute personne qui en ferait la demande sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration.
Par suite, la Commission émet un avis favorable à la demande, sous réserve que les documents existent ou soient susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d'usage courant, à la condition qu'ils soient achevés et ne revêtent pas de caractère préparatoire et sous réserve, le cas échéant, de l'occultation préalable des mentions relevant d'un secret protégé dans les conditions précédemment rappelées, en ce compris les lettres et messages électroniques échangés par le cabinet du secrétaire d’État à l’enfance et la DITP, agissant en cette qualité, ainsi qu'avec les services de l’Elysée ou du Premier ministre et le cabinet Roland BERGER relatifs au projet des « 1 000 premiers jours de l’enfant » ou au travail de la commission CYRULNIK réalisé dans le cadre de ce projet.
Elle émet donc, sous ces réserves et en l'état, un avis favorable.