Avis 20223116 Séance du 23/06/2022
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 mai 2022, à la suite du refus opposé par le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) - Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) à sa demande de communication des documents suivants relatifs à l'appel à projets lancé le 20 mai 2021:
1) les dossiers de demande de soutien financier reçus par la MIVILUDES, de la part des associations demanderesses, dans le cadre de cet appel à projets ;
2) les courriers de notification des résultats, dont l’envoi par la MIVILUDES aux associations demanderesses était annoncé à compter du 8 juillet 2021 ;
3) les documents relatifs à la prise de décision des attributions de subvention incluant les documents qui mentionneraient l’application des critères à chaque projet, retenu ou non retenu ;
4) les documents mentionnant les subventions attribuées aux associations demanderesses dont le projet a été retenu ;
5) les échanges, par courrier ou par courrier électronique, entre les services de la MIVILUDES et les associations demanderesses, dans le cadre de cet appel à projets.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse de l'administration, rappelle que les documents produits ou reçus par la MIVILUDES dans le cadre de sa mission de service public constituent des documents administratifs au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration.
Elle rappelle à cet égard, ainsi que l’a jugé le Conseil d’État dans une décision du 22 février 2013 (n° 337987), que la communication de tels documents ne peut être refusée au seul motif que, compte tenu de la mission de cette autorité administrative, cette communication méconnaîtrait les dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, mais qu’il convient de rechercher si, en raison des informations qu'ils contiendraient, la divulgation de ces documents risquerait de porter atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes et si une communication partielle, ou après occultation de certaines informations, serait, le cas échéant, possible.
La commission estime que les documents demandés sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que, pour les documents relevant également de ces dispositions, du cinquième alinéa de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000, sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par l'un des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code susmentionné, notamment celles dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles.
Par ailleurs, s'agissant du caractère éventuellement abusif de la demande opposé par le secrétaire général de la MIVILUDES, la commission précise que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services. Ainsi les administrations ne sont-elles pas tenues de répondre aux demandes abusives, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration.
Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent.
Par sa décision du 14 novembre 2018, n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, n° 426623).
La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que dans un avis n° 20220207, du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
En l'espèce, la commission prend note de ce que la MIVILUDES a été sollicitée à 21 reprises par l'ONG pour laquelle Monsieur X intervient entre 2019 et 2021. Elle prend note également de ce que la présente demande porte sur plus de 500 documents de nature diverse, dont la communication nécessite un traitement préalable en vue de leur éventuelle occultation.
Elle estime toutefois que la présente demande ne présente pas un caractère abusif dès lors qu'elle porte sur des documents en nombre très limité s'agissant des points 1) à 4) de la demande et qui ont été manifestement identifiés par l'administration qui parvient à les dénombrer s'agissant du point 5). Elle relève également qu'il n'est pas fait état de difficultés particulières dans la recherche de ces derniers documents qui consisteraient en des courriels, ni dans la détermination des occultations à opérer. Elle constate que si l'administration oppose le nombre d'agents dont elle dispose, elle n'apporte aucun élément, ni aucune précision à cet égard. Elle souligne enfin l'intérêt qui s'attache à cette communication pour Monsieur X et pour l'ONG qu'il représente, dont la fréquence des demandes reste, en l'état, relativement modérée.
Elle émet donc un avis favorable à la communication des documents demandés, s'ils sont en possession de l'administration, et rappelle qu’il appartient au secrétaire général de la MIVILUDES, s'il ne détient pas l'ensemble des documents demandés, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de le détenir, s'il en existe une, et d’en aviser Monsieur X.