Avis 20223040 Séance du 21/07/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 mai 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'école polytechnique à sa demande de communication, de préférence par voie électronique par courriel, des documents suivants : 1) pour chacune des chaires ou programmes de mécénat de l'école, de 2013 à ce jour, les contrats signés entre l'établissement et les entreprises, fondations ou institutions partenaires ; 2) la liste complète des actions de mécénat de compétence et/ou des prestations pro bono d'entreprises existantes ou ayant existé au bénéfice de l'école, de 2013 à ce jour. 1. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général de l'école polytechnique a informé la commission de ce que le point 1) de la demande aurait un caractère abusif et que son point 2) ferait référence à un document inexistant. Tout d'abord, la commission précise que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services. Ainsi les administrations ne sont-elles pas tenues de répondre aux demandes abusives, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle ajoute qu'une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie, les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018, n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêtent également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, n° 426623). La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que dans un avis n° 20220207, du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620). En l'espèce, la commission relève que le point 1) de la demande porte sur un nombre limité de documents, aisément identifiables et qu'aucun autre élément de contexte n'est porté à sa connaissance. Dans ces conditions, le point 1) de la demande ne lui apparaît pas, en l'état, revêtir un caractère abusif. D'autre part, la commission précise que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, n° 152393). En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions, les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable laquelle doit être interprétée de façon objective. La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant. Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable. Compte tenu de la nature du document visé au point 2) de la demande et en l'absence d'élément particulier de contexte porté sa connaissance, la commission, qui s'étonne de la réponse de l'administration, estime que la liste sollicitée doit pouvoir être obtenue par un traitement automatisé d’usage courant, de sorte que la demande conserve un objet sur ce point. 2. La commission relève qu’en vertu de l’article 1er du décret n° 2015-1176 du 24 septembre 2015, l’école polytechnique est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel bénéficiant des responsabilités et compétences élargies, constitué sous la forme d'un grand établissement au sens de l'article L717-1 du code de l'éducation. Elle rappelle également qu’en application de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ». La commission en déduit que les documents sollicités, dont elle n'a pas pu prendre connaissance et qui ont trait au financement des missions de service public dont l'école polytechnique a la charge, sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve le cas échéant de l’occultation préalable des mentions, le cas échéant, protégées par les secrets de l’article L311-6 du même code, et plus particulièrement le secret de la vie privée et le secret des affaires. Elle précise, à cet égard, les termes de son avis de partie II n° 20223371 du 7 juillet 2022 selon lesquels, dès lors qu’une donation s’inscrit a priori, pour une personne morale, dans le cadre de son objet social ou statutaire, la divulgation de son identité et de l’objet de son don, n’est pas de nature à méconnaître la protection de sa vie privée, qui ne saurait être appréhendée dans les mêmes termes que pour une personne physique. Elle souligne également les termes de son avis de partie II n° 20216119 du 16 décembre 2021 selon lesquels, d'une part, des documents tels que ceux demandés en l'espèce, s’ils comportent des données économiques et financières en lien avec l’activité de l'école et s’ils sont par ailleurs susceptibles de refléter ses orientations stratégiques, ont pour vocation première de retracer les conditions dans lesquelles cet établissement exerce sa mission de service public et, d’autre part, que si les opérations de mécénat peuvent constituer, pour le mécène, un élément de communication et contribuer à sa stratégie de notoriété, elles consistent en premier lieu à faire un don, en numéraire ou en nature, sans attendre en retour de contrepartie équivalente. Régies par une « intention libérale », elles ne revêtent donc pas le caractère d’une opération commerciale et ne peuvent être regardées comme participant d’une telle stratégie. La commission note également que le montant des dons opérés ne relève pas du secret des informations économiques et financières, lequel couvre les renseignements relatifs à la situation économique d’une société, à sa santé financière et à l’état de son crédit, ce qui inclut l’ensemble des informations de nature à révéler le niveau d’activité. La commission en a déduit que les conventions de partenariat demandées dans cette espèce étaient intégralement communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sans que puisse être opposé le secret des affaires. La commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.