Avis 20222805 Séance du 02/06/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 29 avril 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur à sa demande de communication des documents suivants, relatifs à l'enquête administrative la concernant effectuée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale :
1) la copie de sa demande et de tous les documents l’accompagnant et envoyés par ses soins ;
2) la lettre de mission de l'inspection générale de la gendarmerie nationale ;
3) l'ensemble des auditions des personnels entendus ;
4) le rapport rédigé par l'inspection générale de la gendarmerie nationale à la suite de cette enquête.
En l'absence de réponse de l'administration à la date de sa séance, la Commission observe que Madame X a engagé une procédure judiciaire afférente aux mesures prises à son encontre notamment d’internement d’office, de gardes à vue et de suivi par un psychologue. Elle comprend toutefois que sa demande de communication s’inscrit dans le cadre d’une saisine de l’inspection générale de la gendarmerie nationale.
La Commission précise, à cet égard, que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Mme X). Dans ces conditions, la Commission estime que les documents sollicités qui auraient été élaborés sur réquisition d'une autorité judiciaire revêtiraient un caractère juridictionnel et la Commission ne pourrait que se déclarer incompétente pour se prononcer sur leur communication.
La Commission rappelle ensuite, d’une part, qu’un rapport d’enquête ou un audit réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable du service public est un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicable à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 de ce code, à la condition qu'il ne revête pas ou plus de caractère préparatoire. Elle rappelle, d’autre part, qu’en application de l'article L311-6 du code, ne sont toutefois communicables qu'à l'intéressé les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître un comportement d'une personne dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. Est notamment couverte par cette exception l’identité des auteurs de dénonciations ou de témoignages dont la divulgation à un tiers, notamment à la personne visée, pourrait, compte tenu de leurs termes et du contexte dans lequel ils s’inscrivent, leur porter préjudice. A défaut de pouvoir rendre impossible l’identification de ces auteurs, l’intégralité de leurs propos doit être occultée. La communication ne peut donc intervenir qu’après disjonction ou occultation des mentions qui porteraient atteinte à l’un de ces intérêts et sous la réserve qu’une telle disjonction ou occultation ne conduise pas à priver de son sens le document sollicité.
La Commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur les points 2) à 4) de la demande. Elle émet, en outre, un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 1) qui sont communicables à Madame X sur le fondement de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.