Avis 20222597 Séance du 02/06/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 avril 2022, à la suite du refus opposé par la ministre des Armées à sa demande de communication, de préférence par voie numérique, de la copie des documents suivants relatifs à l'opération de rénovation d’équipements en sous‐station de chauffage du bâtiment dit « BCC Lourcine » (Paris 13ème arrondissement) :
1) le rapport résultant de l’expertise dont le commandant X a fait état au primo de son courriel du 3 février 2022 ;
2) le ou les documents de conception détaillé(s) relatif(s) au projet de rénovation, que la société X ou tout autre prestataire désigné, a présenté à l’administration préalablement à l’achat de cette prestation de rénovation ;
3) le devis afférent ;
4) le cahier des charges de cette rénovation, s’il en a été réalisé un, sinon la demande de devis ou l’appel d’offre(s) réalisé par l’administration ;
5) le procès‐verbal de réception des travaux ;
6) la documentation des nouvelles pompes qui ont été montées sur les installations.
En l'absence de réponse du ministre des Armées à la date de sa séance, la commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle est désormais compétente pour émettre un avis sur l’accès aux documents qui se rapportent sur la gestion des biens appartenant au domaine privé de l’État. Dès lors, la commission estime que le document administratif visé au point 1) de la demande est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, après occultation, le cas échéant, des mentions dont la divulgation porterait atteinte à la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, en vertu du d) du 2° de l'article L311-5 du même code. Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable à la demande en son point 1).
La commission rappelle, par ailleurs, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres), les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
Enfin, la commission considère que les procès-verbaux de réception, qui se rapportent à l’exécution du marché public, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires, notamment celles susceptibles de révéler des détails techniques de l’offre.
La commission émet, sous ces réserves et dans les conditions ci-dessus rappelées, un avis favorable à la communication des documents visés aux points 2) à 6) de la demande.