Avis 20222594 Séance du 23/06/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 mai 2022, à la suite du refus opposé par le directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale des Ardennes à sa demande de communication d'un soit‐transmis émanant d'un service académique du DSDEN 08 à l'attention des services du procureur de la République, concernant ses enfants mineurs.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale des Ardennes a informé la Commission que le document sollicité émane du procureur de la République, raison pour laquelle il n'a pas été communiqué au demandeur. La Commission en prend note et rappelle que les documents qui émanent directement des juridictions ou qui sont élaborés pour l'autorité judiciaire ne sont pas considérés, en principe, comme des documents administratifs et n'entrent donc pas dans le champ du livre Ier du titre III du code des relations entre le public et l'administration. Tel est le cas, notamment, de toutes les pièces établies pour les besoins et au cours d'une procédure juridictionnelle, concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements.
En supposant que le document sollicité émane effectivement de l'autorité judiciaire, elle se déclarerait, en l'espèce, incompétente pour connaître de la présente demande.
N'ayant pas pu prendre connaissance du document mentionné dans la réponse de l'administration, la Commission constate cependant que la demande tend à la communication d'un document émanant, non pas de l'autorité judiciaire mais des services départementaux de l’éducation nationale des Ardennes et adressé au procureur de la République.
En supposant que le document ainsi visé dans la demande existe par ailleurs, elle rappelle que lorsqu'un document administratif élaboré par les services académiques dans le cadre de leurs missions de service public, en lien notamment avec la protection de l'enfance, a été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, n° 372230, Rec. p. 493).
Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La Commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire.
En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. La Commission rappelle que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent.
En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose
l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n° 20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu’il les met gravement en cause.
En supposant que le document sollicité existe et sauf à ce qu'il ait été établi par les services académiques à la demande de l'autorité judiciaire, auquel cas elle se déclarerait incompétente, la Commission émettrait, sous ces réserves et selon les modalités qui ont été exposées, un avis favorable à la demande.