Avis 20222221 Séance du 02/06/2022
Maître X, conseil de Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 avril 2022, à la suite du refus opposé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur (unité territoriale des Alpes-Maritimes) à sa demande de communication du rapport concernant l’accident de travail de son client en date du 8 août 2018 à la suite de l’enquête administrative diligentée par l’inspection du travail.
La Commission rappelle qu'en application des dispositions des articles R8112-1 et suivants du code du travail, l'inspecteur du travail contribue, notamment, à la prévention des risques professionnels, et fournit des rapports circonstanciés, mentionnant les accidents dont les salariés ont été victimes et leurs causes ; il dispose à cette fin d'un pouvoir d'accès aux documents de l'entreprise, fixé aux articles L8113-4 et suivants du code du travail. La Commission considère donc que les documents produits ou reçus par l'inspection du travail dans le cadre de sa mission de contrôle du respect de l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail constituent des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
Font toutefois obstacle à leur communication à des tiers les motifs énumérés à l'article L311-6 du même code, notamment la protection de la vie privée ainsi que les mentions dont la divulgation pourrait porter préjudice à des tiers, comme par exemple des témoignages ou des plaintes. Ne figurent néanmoins pas au nombre des mentions couvertes par cette dernière exception celles qui, sans citer le nom de personnes physiques et sans qualifier ou caractériser, au regard du droit applicable, de manquements de la part de l'entreprise, sont susceptibles de décrire les circonstances et causes de l'accident.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a informé la Commission que dans le cadre de l'enquête concernant l’accident du travail de Monsieur X ses services n’'ont pas établi de rapport. Il précise que ce n’est qu'à la suite dépôt de plainte de l’intéressé et après ouverture d’une enquête par le Procureur de la République avec transmission d’une demande d’avis du parquet qu’un rapport circonstancié a été rédigé. La Commission comprend que le rapport a ainsi été rédigé à la demande du Procureur de la République. Par suite, il constitue un document judiciaire, et non un document administratif, sur le caractère communicable duquel elle n'est pas compétente pour se prononcer. Elle se déclare donc, dans cette mesure, incompétente et invite le demandeur à s'adresser directement à l'autorité judiciaire.
La Commission comprend toutefois qu'avant le dépôt de plainte, l'inspection du travail qui s'était déplacée sur les lieux avait rédigé une lettre d'observations à l'intention de l'employeur. Elle rappelle que Le Conseil d’État a jugé que les lettres d’observations adressées par l’inspection du travail aux employeurs à l’issue de contrôles effectués dans leurs établissements, après avoir relevé qu'elles résultaient de la seule pratique administrative et que ni leur objet, ni leur contenu n’est défini par aucun texte, étaient des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, réserve faite du cas où elles feraient apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En pareille hypothèse, ces lettres d’observations ne sont, en principe, communicables qu’à leur destinataire. Elles peuvent également être communiquées à toute personne qui en fait la demande s’il apparaît que l’occultation ou la disjonction de certaines des mentions qu’elles comportent suffit à éviter que cette communication porte préjudice à la personne concernée (CE, 21 octobre 2016, Union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine, n° 392711, mentionnée aux tables du Recueil). La Commission déduit de cette décision, d'une part, que, les lettres d’observations émises par l’inspection du travail ne correspondent pas, en principe, aux mises en demeure dont le code du travail prévoit l’envoi aux employeurs en vue de les informer des manquements constatés à la législation et à la réglementation du travail et de les inviter à les corriger, dans un délai déterminé qui ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers, et d'autre part, qu'il convient de procéder, systématiquement, à une appréciation in concreto pour l'application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration et d'envisager la divisibilité des parties des documents sollicités et la possibilité d’occultations partielles.
La Commission estime donc que la lettre d'observations adressée à l'employeur de Monsieur X est communicable à l'intéressé, sous réserve d'une part qu'une telle communication ne soit pas de nature à porter atteinte à la procédure juridictionnelle précédemment mentionnée, et après occultation - à condition qu'une telle occultation ne prive pas d'intérêt la communication ainsi effectuée - des mentions relevant du 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable.