Avis 20222059 Séance du 12/05/2022

Maître X, conseil de Madame X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 mars 2022, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication d'une copie des documents relatifs au décès, le 29 novembre 2017, de l'époux de sa cliente, Monsieur X, lors de son incarcération à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses : 1) la décision du 27 novembre 2019 ayant ordonné son placement au quartier disciplinaire ; 2) les rapports, comptes rendus, et tous documents relatifs au décès et ses suites ; 3) son entier dossier médical détenu par le service médical de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses ; 4) son dossier individuel. En premier lieu, la commission considère que les documents sollicités, composant le dossier pénitentiaire d'une personne détenue, constituent des documents administratifs en application de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. La commission relève qu'aux termes de l'article L311-6 de ce code, « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) ». Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, ministre de l'immigration nationale et du développement solidaire c/ M. X (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, ainsi que les conclusions du rapporteur public sur cette affaire permettent de le comprendre, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit ou d'un motif légitime dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. S'agissant d'une personne décédée, la commission estime que des documents peuvent être communiqués aux ayants droit du défunt, sous réserve que le défunt ne s'y soit pas opposé de son vivant et que l'ayant droit se prévale d'un droit à raison du ou des documents dont il demande la communication. Tel peut être le cas lorsque les ayants droit cherchent à faire valoir leurs droits, à défendre la mémoire du défunt ou à connaître les causes du décès. La communication est alors possible dans la seule mesure où ces documents sont nécessaires à la poursuite de l'objectif évoqué. La commission rappelle également que le dernier alinéa de l’article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l’article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. En second lieu, la commission rappelle, d'une part, que les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication de documents dans l'hypothèse où celle-ci est de nature à porter atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente » et, d'autre part, que si la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents, est en revanche exclue la communication des documents administratifs, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction (CE, 21 octobre 2016 n° 380504). Il appartient, dans cette hypothèse, à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document, de déterminer, à la date à laquelle elle se prononce, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité. En l'espèce, la commission comprend que Madame X, a déposé une plainte pénale avec constitution de partie civile après que son époux a été retrouvé pendu dans sa cellule. En l'absence de réponse du garde des sceaux, ministre de la justice à la date de sa séance, la commission, compte tenu de la procédure pénale en cours, invite ce dernier à apprécier si la communication des documents sollicités est de nature à porter atteinte au déroulement de cette procédure ou d'opérations préliminaires à cette procédure en empiétant sur les prérogatives de l'autorité judiciaire, avant, le cas échéant, de procéder à la communication à la cliente de Maître X, dont la commission comprend qu'elle cherche à déterminer les causes et les circonstances du décès de son époux. Elle émet donc un avis favorable à la communication des pièces du dossier pénitentiaire visées aux points 1), 2), 3) et 4), répondant à cet objectif, sous la réserve précitée.