Avis 20221879 Séance du 12/05/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 mars 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Ponthévrard à sa demande de copie, par courrier électronique, des documents suivants :
1) toutes les convocations aux conseils municipaux depuis mai 2020 ;
2) l'appel d'offres pour l'achat du tracteur, ainsi que le bon de commande signé et la facture, achat confirmé lors du conseil municipal du 11 décembre 2020 et celui du 2 juillet 2021, ainsi que la date de la commission d'appel d'offres ;
3) les devis de mise en concurrence pour l'achat de la tondeuse et du taille-haie ;
4) le dossier « X » avec le bon de réception en sous-préfecture pour justifier de la subvention exceptionnelle de X € allouée à cette association fin 2019 et versée début 2020 ;
5) les explications concernant les lignes suivantes du grand livre des comptes 2020 :
a) page 36 - pièce n° 336 - salaire X juin 2020 pour un montant de X € ;
b) page 37 - pièce n° 405 - salaire X juillet 2020 pour un montant de X €.
En l'absence de réponse du maire de Ponthévrard à la date de sa séance, la Commission rappelle, en premier lieu, que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur la date de la commission d'appel d'offre, mentionnée au point 2), ainsi que sur le point 5) de la demande, qui portent en réalité sur des renseignements.
En deuxième lieu, la Commission rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. La Commission précise que les documents préalables ou préparatoires aux délibérations du conseil municipal ne font pas partie des documents communicables sur le fondement du code général des collectivités territoriales (CE 27 mars 1935, Recueil, p. 398), mais qu'ils le sont en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve le cas échéant des dispositions des articles L311-2, L311-5 et L311-6 de ce code. La Commission émet, en application de ces principes, un avis favorable à la demande en son point 1), sous réserve le cas échéant, de l’occultation des mentions couvertes par le 1° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, en particulier celles tenant au secret de la vie privée.
En troisième lieu, la Commission rappelle que le 5ème alinéa de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 prévoit que le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention qu’il doit conclure avec l’autorité administrative qui attribue la subvention dépassant un certain seuil, et le compte rendu financier de la subvention, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. La Commission estime en outre qu’en application de cette disposition et de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, les documents composant le dossier de demande de subvention constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l'occultation des mentions éventuelles qui ne seraient pas communicables, en application de l'article L311-6 du même code, comme les informations couvertes par le secret des informations économiques et financières, telles que les coordonnées bancaires de l'association, les mentions qui décriraient un comportement ou porteraient une appréciation défavorable sur des personnes nommément identifiées ou facilement identifiables ou, enfin, celles qui seraient susceptibles de porter atteinte au secret de la vie privée des personnes, comme par exemple les coordonnées personnelles de responsables de l'association. La Commission émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande en son point 4), à condition que les documents sollicités existent.
En quatrième et dernier lieu, s'agissant des points 2) et 3), la Commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de cette loi. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
Par ailleurs, s’agissant des factures, la Commission précise que, si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des collectivités territoriales, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement des dispositions spéciales de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, M. X, n° 449620).
La Commission estime, par suite, que les factures afférentes à un marché public émises par les communes sont des documents administratifs communicables à toute personne en faisant la demande sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires. A ce titre, le détail des prix, susceptible, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé, doit être occulté.
En application de ces principes, la Commission émet un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 2) et 3), qui sont relatifs tant à la passation de marchés publics qu'à leur exécution, sous la réserve tenant au secret des affaires.