Conseil 20221858 Séance du 12/05/2022
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 12 mai 2022 votre demande de conseil relative au caractère communicable, aux parents, du dossier médical de leur fils décédé, sachant que le patient a été hospitalisé en psychiatrie et placé sous leur tutelle et que le dossier a fait l’objet d’une récente réquisition judiciaire.
La commission comprend que la demande de communication du dossier médical effectuée par les parents, tuteurs de leur fils, est postérieure au décès de leur enfant. Dès lors qu'aux termes de l'article 393 du code civil, la tutelle prend fin en cas de décès de la personne protégée et que le code de la santé publique organise, en ses articles L1110-4 et L1111-7, un régime de communication spécifique des informations médicales concernant une personne décédée, les seuls ayants-droits, en principe, peuvent se voir communiquer les informations médicales dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits .
Vous indiquez toutefois à la commission que le dossier médical du patient décédé a fait l'objet d'une réquisition judiciaire.
La commission considère, d'une part, que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, X). La commission estime, en application de ces principes, que les documents médicaux qui auraient été élaborés sur réquisition de l'autorité judiciaire revêtent un caractère juridictionnel. Elle ne pourrait, dans cette hypothèse, que se déclarer incompétente pour se prononcer sur leur communication.
La commission rappelle, d'autre part, que la circonstance qu'un document administratif établi par une autorité administrative a été transmis spontanément par cette autorité à l’autorité judiciaire ne suffit pas à lui faire perdre son caractère de document administratif. Les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font toutefois obstacle à la communication de documents dans l'hypothèse où celle-ci est de nature à porter atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ».
La commission précise que la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte de près ou de loin a une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire (CE, 20 avril 2005, n° 265308 ; CE, 5 mai 2008, req. n° 309518, Lebon 177). Ce n’est, en effet, que dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de l'autorité judiciaire ou de la juridiction (CE, 21 octobre 2016 n° 380504) que la communication d'un document administratif peut être refusée en application du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Tel peut être le cas lorsque la communication est de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, entrave ou complique l'office du juge ou encore retarde le jugement d'une affaire (Conseil n° 20092608). Le Conseil d'Etat a également indiqué, dans sa décision précitée du 21 octobre 2016 que, dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité.
En application de ces principes, la commission estime que du fait de la réquisition du dossier médical par le procureur de la République, il vous appartient de solliciter l'accord de cette autorité. Elle précise à toutes fin utiles qu'en cas de réponse défavorable de sa part, il vous appartiendra d'apprécier au regard des motifs invoqués, si les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication du dossier sollicité.