Avis 20221635 Séance du 21/04/2022
Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 mars 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des hôpitaux universitaires de Strasbourg à sa demande de communication d'une copie des documents suivants :
1) le tableau nominatif des emplois des agents de l'établissement, comportant les éléments suivants : nom, prénom, échelon et grade, site et service d'affectation, ancienneté dans l'établissement, date de naissance, statut, matricule et quotité de travail ;
2) le tableau annuel des avancements de grade, comportant les critères d'avancement dans le grade pour les agents promouvables, l'ancienneté dans le grade, l'ancienneté dans la Fonction publique hospitalière et la cotation de l'évaluation professionnelle.
La commission rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit d’information que les représentants du personnel et les organisations syndicales peuvent tirer, en cette qualité, de textes particuliers. Ces derniers peuvent en revanche se prévaloir, comme tout administré, du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des régimes particuliers énumérés aux articles L342-1 et L342-2 de ce code pour obtenir la communication de documents.
S’agissant de la conciliation du droit d’accès aux documents administratifs avec l’obligation faite aux administrations de veiller à la protection des données personnelles que ceux-ci sont susceptibles de contenir conformément au règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD »), la commission précise que l'entrée en vigueur du RGPD n'a pas entraîné de modification des dispositions du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles, ou des dispositions législatives prévoyant un droit d'accès spécial ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 du RGPD aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. » Les données à caractère personnel ne font donc pas, en elles-mêmes obstacle, à la communication d'un document administratif, seuls les secrets protégés en application des dispositions des articles L311-5 et L311-6 étant susceptibles de fonder un refus de communication.
Sur le fond, la commission considère que si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion.
A l’inverse, elle estime que ces aménagements devant être limités à ce qui est strictement nécessaire à l’information légitime des citoyens, ne sont pas communicables sur ce fondement, la date de naissance, l’adresse privée, la situation de famille, les éléments individualisés de la rémunération liés soit à la situation familiale et personnelle de l’agent en cause (ex : supplément familial) soit à l’appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (ex : primes de résultat).
Elle rappelle, en outre, que dans son avis n° 20210741, du 11 février 2021, elle a fait évoluer sa position, ancienne (conseils 20101148 du 29 mars 2010 et 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée.
La commission indique, ensuite, que les tableaux d’avancement et listes d’aptitude, qu’ils concernent des promotions de grade ou d’échelon, sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, même lorsque l’ordre dans lequel les agents doivent être promus apparaît. Ils ne sont, en effet, pas au nombre des documents par lesquels il est porté une appréciation ou un jugement de valeur sur des personnes physiques au sens des dispositions de l'article L311-6 du même code (avis CADA n° 20123835 du 22 novembre 2012).
Elle considère également que les listes des agents promouvables, c'est-à-dire remplissant les conditions réglementaires pour être promus, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve qu'elles ne comportent aucune notation, appréciation, ou avis sur les différents agents et leur manière de servir, ni aucune information relative à la vie privée. Ces listes sont différentes de celles des agents proposés par leur administration à la promotion, qui en elles-mêmes comportent nécessairement une appréciation et qui ne sont, à ce titre communicables qu'aux intéressés, chacun pour ce qui les concerne, conformément aux dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Ce n'est que dans l'hypothèse où la promotion se ferait exclusivement à l'ancienneté que ces listes pourraient être communiquées à toute personne qui en ferait la demande, en application de l'article L311-1 du code, dès lors qu'il s'agit d'agents de droit public. Cette communication devrait toutefois s'effectuer sous réserve de l'occultation préalable d'éventuelles mentions relevant de la vie privée des agents concernés.
La commission rappelle, enfin, compte tenu du détail des informations sollicitées, que le livre III du code des relations entre le public et l’administration n’a ni pour objet, ni pour effet, de contraindre l’administration à établir un document nouveau en vue de satisfaire une demande, en particulier lorsque celle-ci tend à l’élaboration ou à la motivation d’une décision administrative, sauf si le document, qui n'existe pas en l'état, peut être obtenu par un traitement automatisé d'usage courant.
En application de ces principes, la commission estime que les informations mentionnées au point 1) sont librement communicables, à l’exception de la date de naissance des agents concernés, qui est couverte par le secret de la vie privée. Elle émet, dès lors, un avis favorable à la demande, dans cette mesure et à la condition que les items existent dans un document existant ou susceptible d’être établi par un traitement automatisé d'usage courant.
Elle émet également un avis favorable à la demande en son point 2), si le document sollicité existe, sous réserve de l'occultation préalable de l’ensemble des mentions sur la manière de servir des agents concernés ou relevant de leur vie privée. Elle émet donc, dans cette seule limite et sous cette réserve, un avis favorable sur ce point.