Avis 20221467 Séance du 21/04/2022
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 mars 2022, à la suite du refus opposé par le président de l'université de Caen Basse-Normandie à sa demande de communication d'une copie des documents suivants :
1) l’enquête administrative diligentée en 2017 par l'ancien président de l'université, Monsieur X, ainsi que les accusations et témoignages qui, selon ce dernier, ont mené à l’ouverture de cette enquête ;
2) le rapport effectué par le cabinet X qui a fait l’objet d’un « retour » public auquel le demandeur n'a pas eu la possibilité d’assister et qui semble le concerner en particulier ;
3) les messages rédigés par l'intéressé dans les registres santé et sécurité au travail (RSST) entre 2017 et ce jour.
En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de l'université de Caen Basse-Normandie a informé la commission que les documents mentionnés au point 3) ont été transmis au demandeur par courrier du 22 mars 2022, dont il a joint une copie. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet la demande d’avis sur ce point.
En deuxième lieu, s'agissant du point 1) de la demande, le président de l'université de Caen Basse-Normandie a précisé que le demandeur a eu accès à l'ensemble des éléments de son dossier individuel et disciplinaire dans le cadre de la procédure disciplinaire diligentée contre lui, à l'exception des témoignages de tiers.
La commission rappelle que les documents composant le dossier d’un agent public sont des documents administratifs en principe communicables à l’intéressé, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Toutefois, le droit d’accès fondé sur la loi générale s’efface lorsqu’une procédure disciplinaire est en cours. Dans ce cas, seules s’appliquent alors les dispositions spéciales prévues par la loi du 22 avril 1905 (article 65) ou par les différentes lois statutaires que la commission n’est pas compétente pour interpréter. Une fois la procédure disciplinaire achevée, le dossier de l’intéressé lui est librement accessible sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).
La commission précise, en outre, qu'un rapport d'enquête administrative rédigé à l'occasion d'une procédure disciplinaire est un document administratif communicable à l’intéressé sur le fondement de l’article L311-6 du même code à la condition, d'une part, que l'enquête soit achevée, d'autre part, que ce document ne présente plus un caractère préparatoire à une décision en cours d'élaboration. En outre, doivent être occultées, en application des dispositions de l'article L311-6 du même code, les mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable autre que l'agent concerné, ou faisant apparaître le comportement d'une personne autre que celui-ci, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, comme les témoignages ou les procès-verbaux des auditions, sous réserve que ces occultations ne dénaturent pas le sens du document concerné et ne privent pas d’intérêt leur communication.
La commission estime en application de ces principes que le rapport d'enquête administrative mentionné au point 1) de la demande, qui a perdu son caractère préparatoire et qui est achevé, est librement communicable à Monsieur X sur le fondement du CRPA sous les réserves précitées, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que des éléments lui ont déjà été adressés à l'occasion de la procédure disciplinaire.
Elle comprend, en revanche, des informations portées à sa connaissance que les accusations et témoignages par ailleurs évoqués au point 1) ne peuvent en revanche pas lui être transmis, conformément à sa doctrine constante selon laquelle est couverte par le 3° de l'article L311-6, l’identité des auteurs de témoignages ou de personnes auditionnées dont la divulgation à un tiers pourrait, compte tenu de leurs termes et du contexte dans lequel ils s’inscrivent, leur porter préjudice. A défaut de pouvoir rendre impossible l’identification de ces auteurs, l’intégralité de leurs propos doit être occultée. Elle émet, dès lors, un avis défavorable sur ce point.
En dernier lieu, s'agissant du point 2) de la demande, le président de l'université de Caen Basse-Normandie a indiqué à la commission que la version définitive du rapport du cabinet X est une restitution orale, que les éléments de travail transmis par le cabinet X constituent la version intermédiaire non définitive de la restitution orale ultérieure et que les documents préparatoires de travail sont couverts par les droits de propriété intellectuelle de la société X qui a apposé sur ces éléments la mention « CONFIDENTIEL ».
La commission rappelle, toutefois, d'une part, qu'en vertu de l'article L311-2 de ce code, le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Elle estime, par suite, que les documents sollicités, alors même qu'ils constitueraient de simples documents intermédiaires, sont communicables sur le fondement du titre Ier du livre III du même code, dès lors qu'ils n'ont, comme en l'espèce, pas été suivis de documents écrits achevés. Elle comprend par ailleurs que ces éléments, qui ont fait l'objet d'une restitution orale, ne revêtent plus un caractère préparatoire.
La commission précise en outre que la mention « confidentiel » sur ces documents ne permet pas, à elle-seule, de priver d'effet les dispositions de l'article L300-2 et L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Ces éléments sont donc en principe communicables au demandeur, sous réserve de l'occultation des mentions éventuellement protégées par l'article L311-6 du même code.
Enfin, en supposant même que ces documents soient protégés par des droits de propriété littéraire et artistique, ce qui ne ressort pas expressément des pièces du dossier, il appartiendrait à l'administration, en application de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration, de solliciter l'autorisation de leur auteur avant de procéder à la communication des documents. Elle invite, le cas échéant, le président de l'université de Caen Basse-Normandie à procéder à cette démarche.
Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.