Conseil 20221166 Séance du 21/04/2022
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, lors de sa séance du 21 avril 2022, votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un candidat souhaitant répondre au marché public de travaux de voirie lancé par la communauté d'agglomération, des bons de commande passés par cette dernière les quatre années précédentes, sachant que la comparaison des offres de prix sera effectuée à partir d’un détail quantitatif estimatif (DQE) masqué.
La Commission vous rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan, n° 375529, que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
En l'espèce, la Commission comprend des pièces du dossier, et notamment de l'article 5 du règlement de consultation, que les offres ont été analysées par le biais d’un DQE masqué. Dans les circonstances particulières de l'espèce et ainsi que le souligne la demande de conseil, elle estime, dès lors, que la communication des bons de commande faisant état des prestations commandées ainsi que des quantités, même après occultation des prix unitaires, aurait pour effet de renseigner l’entreprise demanderesse sur le détail des quantités estimatives (DQE) masqué que la commune entend utiliser comme méthode de notation des offres au regard du critère du prix. Ce faisant, cette communication permettrait à l'entreprise - également candidate à l'attribution du marché - d'opérer une simulation du prix de son offre et de concentrer ses efforts financiers sur certaines lignes du BPU, et, par conséquent, affecterait la concurrence avec les autres entreprises candidates.
La Commission estime, par suite, que les documents en cause, intégralement couverts par le secret des affaires, ne peuvent pas être communiqués à des tiers.