Avis 20221158 Séance du 21/04/2022

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 8 février 2022, à la suite du refus opposé par le directeur du centre Hospitalier de Soissons à sa demande de : A) communication, aux tarifs fixés par l'arrêté du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001, des documents suivants : 1) le bordereau précis détaillant les pièces médicales (nature pièces, date, nom du médecin ou ..., etc) ; 2) la totalité des pièces de son dossier médical, sous forme papier ou CD-rom, relatifs aux consultations et examens avec le Docteur X, gynécologue, fin 2020 ; 3) le compte rendu du Docteur X relatif à la consultation du 26 avril 2017 ; B) remise gratuite du livret d'accueil complet, annexes comprises, conforme à l’arrêté du 15 avril 2008 relatif au contenu du livret d'accueil des établissements de santé modifié par le décret du 1er décembre 2016 paru le 4 décembre 2016 ; C) consultation sur place, pour choix de copies éventuelles, des documents suivants : a) les comptes rendus, rapports officiels du conseil de surveillance et de la CDU de 2019 à 2022 ; b) le bilan comptable de 2019 à 2022, éléments et pièces comptables. 1. La Commission rappelle que l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. En vertu du même article et du dernier alinéa de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ces informations sont communiquées au demandeur, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet. La Commission estime par conséquent, que les documents demandés au point A sont communicables. Elle estime que le document mentionné au point B) est également communicable sur le fondement de l'article L.311-1 du code des relations entre le public et l’administration. En ce qui concerne les documents mentionnés au point C), la Commission estime qu'ils constituent des documents administratifs communicables en application des mêmes dispositions, sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions qui porteraient atteinte au secret de la vie privée ou au secret médical, qui porteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou encore qui feraient apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, conformément à l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. 2. La Commission constate que la demande ne porte pas uniquement sur le principe de la communication du dossier médical sollicité au point A, mais également sur les modalités de tarification proposées par l'établissement pour l'accès à ce dossier. La Commission rappelle que si elle considère qu’une demande tendant à ce qu’elle apprécie in abstracto, c’est-à-dire en dehors d’une demande de communication, les tarifs pratiqués par une autorité administrative en contrepartie de la communication de documents administratifs est irrecevable, elle s’estime en revanche compétente pour se prononcer sur une demande de paiement intervenant à l’occasion d’une demande de communication d’un document et considère que les tarifs pratiqués, lorsqu’ils ne répondent pas à la réglementation applicable, doivent être assimilés à des refus de communication (avis n° 20164876 du 12 janvier 2017). 2.1 La Commission relève, en l’espèce, que le II de l’article 14 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a supprimé de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, la phrase prévoyant la possibilité d’exiger des frais pour la délivrance (reproduction et envoi) de copies, ne laissant que le début de l’alinéa relatif à la gratuité de la consultation sur place. La Commission constate que, pour autant, le législateur n’a pas expressément institué un régime de gratuité en la matière. Elle constate également qu’aucune intention de la sorte du législateur ou du Gouvernement ne résulte des travaux préparatoires disponibles à ce jour de cette loi, de l’étude d’impact ou encore de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi. La Commission en déduit qu’en supprimant cette disposition spéciale, le législateur n’a pas nécessairement écarté l’application des dispositions générales de l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document (avis de partie II n° 20221110 du 31 mars 2022). La Commission ajoute que la circonstance, relevée dans son conseil n° 20184657 du 17 mai 2019, qu’il résulte de l’article 12 paragraphe 5 du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) que la communication initiale des données à caractère personnel à la personne intéressée ne peut être conditionnée à un paiement, est sans incidence sur l’application de ces dispositions, le droit d’accès aux documents administratifs ne relevant pas de ce règlement et la demande n’ayant, en l’espèce, pas été présentée sur le fondement de ce dernier. 2.2 A cet égard, la Commission rappelle qu'en vertu de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, « des frais correspondant au coût de reproduction et, le cas échéant, d'envoi de celui-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Pour le calcul de ces frais sont pris en compte, à l'exclusion des charges de personnel résultant du temps consacré à la recherche, à la reproduction et à l'envoi du document, le coût du support fourni au demandeur, le coût d'amortissement et de fonctionnement du matériel utilisé pour la reproduction du document ainsi que le coût d'affranchissement selon les modalités d'envoi postal choisies par le demandeur ». Les frais autres que le coût de l'envoi postal ne peuvent excéder des montants définis par l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001, à savoir 0,18 euro la page en format A4, 1,83 euro pour une disquette et 2,75 euros pour un cédérom. L'intéressé est avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé. Lorsque l’administration est tenue d’externaliser la prestation en raison de ses propres contraintes techniques, la Commission considère que le barème fixé par l’arrêté ne s’applique pas, cet arrêté ne s’appliquant que pour autant que la reproduction des documents est effectuée par l’administration elle-même. Dans ce cas, l’administration est alors fondée à facturer le prix exact de la reproduction, par le prestataire, des pièces en cause. Un devis, permettant au demandeur de connaître le détail de la prestation, doit cependant lui être préalablement soumis pour qu’il décide d’y donner suite, s’il y a lieu. Enfin, lorsque les supports ne sont pas prévus par les dispositions de l'arrêté mentionné plus haut et qu’elle assure elle-même la prestation, la Commission considère qu’il appartient à l’administration de fixer elle-même le tarif, dans le respect des dispositions de l’article R311-1 du code des relations entre le public et l’administration qui prévoit que pour le calcul des frais de reproduction, sont pris en compte, à l'exclusion des charges de personnel résultant du temps consacré à la recherche, à la reproduction et à l'envoi du document, le coût du support fourni au demandeur, le coût d'amortissement et de fonctionnement du matériel utilisé pour la reproduction du document, ainsi que le coût d'affranchissement selon les modalités d'envoi postal choisies par le demandeur. Elle apprécie alors également si le prix ne paraît pas excessif. Au total, les dispositions qui viennent d'être rappelées n'interdisent pas en elles-mêmes la mise en place d'une politique tarifaire. Elles n'imposent d’ailleurs pas à l'administration de facturer les frais de reproduction ou d'envoi mais seulement, lorsqu'elle facture ces frais et qu'elle assure elle-même la reproduction, de ne pas excéder les plafonds fixés par l'arrêté du 1er octobre 2001, le cas échéant en y ajoutant le coût d'affranchissement. En l'espèce, pour l'accès à son dossier médical, le centre hospitalier de Soissons a adressé à Madame X une grille tarifaire qui prévoit les tarifs forfaitaires suivants : - la photocopie est facturée 0,20 € ; - la planche d'imagerie est facturée 3,10 € ; - le CD-ROM est facturé 3 € ; - des frais de gestion sont ajoutés, à hauteur de 2,80 € ; - enfin les frais d’envoi sont facturés de manière forfaitaire 5 euros, quel que soit le poids. La Commission constate que l'hôpital a mis en place, à l'exception du tarif pratiqué pour les frais d'envoi postal, une politique tarifaire qui excède les tarifs définis par l'arrêté qui vient d'être mentionné. S'agissant des frais de gestion, la Commission estime qu'ils ne sauraient être assimilés aux seuls frais de reproduction et d'envoi dont le législateur a prévu qu'ils puissent être mis à la charge du demandeur en application des dispositions de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration. Ces frais ne peuvent donc être réclamés au demandeur en application des dispositions de ce code. La Commission estime, en conséquence, que la politique tarifaire de l'établissement n'apparaît pas conforme aux dispositions du titre III du code des relations entre le public et l'administration et aux dispositions réglementaires prises pour son application. Elle émet dès lors un avis favorable à la demande de Madame X, selon les principes qui viennent d'être rappelés.